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09.06.2009 12:16 Il y a: 15 yrs
Categorie: Les actualités d'ALTIJ
Auteur : Me France Charruyer, Avocate à Toulouse - Conseil & Contentieux
Le Peer-to-Peer
PIRE QUE LE PEER-TO-PEER ?
Aujourd’hui et c’est fort regrettable ; entendons-nous bien, il ne s’agit nullement d’encourager ce genre de pratiques, bien au contraire ; beaucoup de gens n’achètent plus de Cds, de Dvds, ne vont plus au cinéma, et n’ont pas même la patience d’attendre que leur série Tv américaine favorite soit diffusée sur une chaîne française. Ils téléchargent via l’utilisation d’un logiciel particulier et d’un réseau informatique, les fichiers musicaux de leurs artistes préférés, les films à peine sortis en salles et les séries diffusées depuis quelques secondes sur une chaîne câblée américaine.
C’est formidable. Ça ne coûte rien. Tout le monde le fait et l’on trouve ça terriblement banal, mais c’est oublier une chose essentielle :
c’est illégal. Télécharger des fichiers musicaux ou audiovisuels sur la toile constitue une atteinte majeure aux droits de propriété intellectuelle et notamment aux droits d’auteur des créateurs des contenus. Cette généralisation du téléchargement illicite a des conséquences catastrophiques pour les artistes qui ne vivent plus de leur art.
Le support de ces échanges illicites de fichiers est ce que l’on appelle le Peer-to-Peer.
L’anglais Peer-to-Peer, souvent abrégé P2P (prononcer « pi-tou-pi »), est devenu dans l’Hexagone et dans le cadre de la guerre faite aux anglicismes : le poste-à-poste. Il pourrait tout aussi bien être traduit par « pair-à-pair » ou « égal-à-égal ».
Le P2P désigne un modèle de réseau informatique dont les éléments (les nœuds) ne jouent pas exclusivement les rôles de client ou de serveur mais fonctionnent des deux façons, en étant à la fois clients et serveurs des autres nœuds de ces réseaux, contrairement aux systèmes de type client/serveur, au sens habituel du terme.
Les réseaux poste-à-poste permettent à plusieurs ordinateurs de communiquer, de partager simplement des informations, des fichiers le plus souvent, mais également des flux multimédias continus (streaming), le calcul réparti, la téléphonie (comme Skype), etc. sur Internet.
Si l’ère des Napster, Gnutella et Kazaa est révolue, qui n’a pas sur son disque dur un eMule, un LimeWire ou un Shareeza ?
Les textes de loi sont obscurs pour le profane et il est très difficile de s’y retrouver. La loi du 1er août 2006 résultant de la transposition d’une directive communautaire de 2001 est venue bouleverser le paysage et surtout encore complexifier la norme législative.
Il est donc impératif de faire le point sur cette question. Que peut-on faire avec le P2P ? Que nous est-il interdit ?
Ce qui vous est interditLa mise en ligne d’œuvres protégées sans autorisation Le fait de rendre une copie de fichier musical ou audiovisuel disponible sur un site web ou ftp à travers un système d’échange de fichiers ou de le distribuer par courrier électronique porte directement atteinte au droit de propriété intellectuelle des auteurs ou de leurs ayants droit. À moins que ces derniers ne vous aient expressément autorisé à diffuser leurs œuvres, vous vous exposez à des poursuites pénales au titre du délit de contrefaçon (article L.335-4 du Code de la propriété intellectuelle).
Deux internautes qui avaient édité un site permettant aux visiteurs de télécharger gratuitement des œuvres musicales ont été condamnés par le Tribunal de grande instance de Saint-Étienne, dans une décision du 6 décembre 1999, à deux et trois mois de prison avec sursis et à 21.340 euros de dommages et intérêts au profit des parties civiles.
Le téléchargement illicite de copies Vous ne pouvez télécharger que des fichiers musicaux légalement distribués sur Internet, c’est-à-dire avec le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit. Dans le cas inverse , il s’agit de fichiers illicites dont les reproductions sur le disque dur de votre ordinateur constituent en elles-mêmes des copies illicites. Vous risqueriez donc de vous rendre coupable de contrefaçon, voire même de recel pour peu que vous ayez eu connaissance de l’origine délictueuse des fichiers. Vous encourrez, dans ce dernier cas, une peine de cinq ans d’emprisonnement et de plus de 380.000 euros d ‘amende (article 321-1 du Code pénal).
Vérifiez toujours que le site auprès duquel vous téléchargez vos fichiers musicaux ou audiovisuels est un distributeur agrée (ou autorisé) et veillez à ne jamais mettre de fichiers en ligne sans en avoir obtenu l’autorisation auprès des auteurs et des maisons de disque.
Ce qui vous est permisLa copie privée d’un Cd ou d’un Dvd L’exception de copie privée vous permet d’effectuer des copies d’un Cd que vous vous êtes légalement procuré ou que vous avez téléchargé légalement sur le site d’un distributeur agrée. Ces copies doivent néanmoins être réservées à l’usage privé du copiste et non destinés à une utilisation collective (articles L.122-5-2° et L.211-3 du Code de la propriété intellectuelle). Leur utilisation devra donc être limitée au cercle de famille ou à quelques amis.
L’exception de copie privée est strictement encadrée. On pourrait ajouter qu’il faut que la source de la copie soit licite.
L’arrêt de la Cour de cassation du 30 mai 2006 mérite d’être mentionné du seul fait de l’abondance des commentaires suscités par les décisions des juges du fond dans cette affaire qui y avaient vu l’amorce d’une liberté de téléchargement.
À l’origine, un peu moins de 500 films gravés sur Cd-roms étaient découverts au domicile d’un particulier qui les avait réalisés à partir de téléchargements comme au moyen de Dvd prêtés, ces copies étant destinés à son usage personnel. L’intéressé avait été relaxé tant en première instance (TGI Rodez, correctionnelle, 13 octobre 2004), qu’en appel (Cour d’appel de Montpellier, 3ème chambre correctionnelle, 10 mars 2005).
L’attention de tous avait alors été attirée par la brèche qui semblait s’ouvrir face à la répression du Peer-to-Peer.
Si la chambre criminelle de la Cour de cassation fait entrer en quelque sorte cette affaire dans le rang des décisions généralement rendues en la matière, elle est surtout intéressante par ce qu’elle dit au sujet de la source de la copie. Elle casse en effet la décision de Montpellier pour défaut de base légale au motif qu’elle avait fait bénéficier le prévenu de l’exception de copie privée « sans répondre aux parties civiles faisant valoir que le caractère illicite de la source excluait que puisse être retenue l’exception de copie privée. »
Il semble donc que la licéité de la source soit érigée en condition de l’exception de copie privée.
Les mesures techniques de protection La loi dite DADVSI (Droits d’Auteur et Droits Voisins dans les Systèmes d’Information) du 1er août 2006 autorise les titulaires de droits à procéder à des Mesures Techniques de Protection (MTP), à préférer à l’anglais DRM (Digital Rights Management).
Pour faire simple, une Mesure Technique de Protection est tout procédé permettant au titulaire des droits sur une oeuvre de restreindre ou d’empêcher les utilisations non autorisées et donc illicites de celle-ci.
Tout cela part évidemment d’un bon sentiment, mais cette liberté doit être strictement encadrée sous peine de porter atteinte à l’exception de copie privée précitée. Par conséquent, la mise en œuvre des mesures de protection ne doit pas porter atteinte à ce que l’on appelle l’interopérabilité.
Les mesures techniques pratiquées ont quelques fois des conséquences fâcheuses pour le celui qui a acquis un Cd ou téléchargé légalement une chanson. Le Cd ainsi verrouillé peut ne pas être lu par votre chaîne stéréo un peu vieillotte qui trône dans le salon de votre maison de campagne, ou bien encore vous empêcher de jouir pleinement de l’exception de copie privée en rendant impossible la bascule d’un support vers un autre comme du Cd acheté vers le disque dur de votre ordinateur.
Sachez que si les Mesures Techniques de Protection pratiquées portent atteinte à l’interopérabilité telle qu’on vient de la définir, vous pouvez adresser un recours auprès de l’Autorité de Régulation des Mesures Techniques (ARMT), nouvelle Autorité Administrative Indépendante créée par la loi du 1er août 2006 à cet effet.
Par France Charruyer