Après une décennie de bataille juridique, Google vient de remporter la partie face à la société Oracle afin de savoir si les Application Programming Interface (API) sont de libre parcours ou protégeables par le droit auteur américain, le copyright. Il est vrai que Google, qui avait acquis la start-up Android, avait copié plus de 11 500 lignes de code de l’API Java pour son propre système. Propriétaire de ces lignes de code, Oracle avait alors saisi les juridictions américaines au regard des actes de contrefaçon commis par Google.
Toutefois, cette vision vient d’être mise à l’index par les juges suprêmes au motif que « la copie de l’API par Google pour réimplanter une interface utilisateur, en ne prenant que ce qui était nécessaire pour permettre aux utilisateurs de mettre leurs talents accumulés au service d’un programme nouveau et transformateur, constituait un usage loyal de ce matériel en droit ». Pour en arriver à cette solution fondée sur le fair use américain – exception au copyright, tout comme il existe des exceptions au droit d’auteur à la français (Code de la propriété intellectuelle, article L. 122-5) – les juges ont estimé que : la copie litigieuse ne portait que sur des « declaring codes » liés à des idées de libre parcours ; la démarche de Google relevait du progrès créatif ; les lignes de code copié ne représentaient que 0,4 % du code global. Dès lors, aucune contrefaçon n’était patente puisque Google pouvait invoquer le fair use.
Le problème est que, dans la décision, rien ne permet de confirmer que les API ne sont pas protégeables ou protégées par le copyright. En effet, les juges suprêmes ont tacitement considéré l’application du fair use sans préciser l’argumentation juridique selon laquellle les API seraient susceptibles d’être protégées par le copyright, peut-être pour ne pas porter un lourd préjudice à la création et à l’innovation informatique.
Une solution surprenante puisque, outre-Atlantique, la directive 2009/24/CE prévoit que les idées et principes qui sont à la base d’un programme d’ordinateur ne sont pas protégées par le droit d’auteur mais pourraient faire l’objet d’action en concurrence déloyale ou parasitaire. Reste désormais à savoir si un programmeur européen serait susceptible d’être inquiété en cas de copie de lignes de code développées sur le territoire américain ? Encore une bataille pour la souveraineté numérique face à cet élément d’extranéité.
LE PÔLE DATA IP/IT