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< Au cas par cas n°112 - La protection des communes françaises
13.12.2012 17:48 Il y a: 12 yrs
Categorie: Recouvrement des créances et voies d'exécution
Auteur : France Charruyer, Avocat Toulouse - Conseil & Contentieux

La rupture brutale des relations commerciales établies : la possibilité pour une entreprise d’engager la responsabilité de son partenaire au terme de leurs relations commerciales


Introduite par le législateur en 2001, pour mettre un terme à la pratique par la grande distribution du « déréférencement » à l’égard de ses fournisseurs, l’action en rupture brutale des relations commerciales établies a depuis connu un développement exponentiel, au point de couvrir aujourd’hui la plupart des secteurs d’activité.

Codifiée à l’article L.442-6 I 5° du Code de commerce, la vocation de cette disposition n’est nullement de contraindre les opérateurs économiques à pérenniser leurs relatons avec leurs partenaires, mais de sanctionner celui qui la rompt de manière brutale sans respecter un préavis d’une durée suffisante.

Invoquée de plus en plus fréquemment par les entreprises, la mise en œuvre de cette disposition requiert la réunion de plusieurs conditions qui ont été précisées par la jurisprudence.

La notion de relation commerciale établie

L’article L.442-6 I 5° du Code de commerce précise que l'auteur de la rupture peut être « tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers ». La jurisprudence fait de cette disposition une interprétation très large puisqu’elle l’appliqué à des activités de nature libérale ainsi qu’à des associations.

Un contentieux nourri s’est ensuite noué autour de la notion de relation établie. Si ce concept relève de l’appréciation souveraine du juge, la Cour d’Appel de Paris, dans un arrêt du 13 septembre 2007 a posé certains critères qui permettent de le caractériser. Une relation commerciale est ainsi établie dès lors que les parties ont noué des relations d’affaires « stables, suivies et anciennes ».

Dans la pratique, la jurisprudence fait une application très extensive de ces critères puisqu’elle a estimé qu’une relation brève (10 mois) et même unique, pouvait caractériser une relation commerciale établie.

Ainsi, c’est uniquement lorsque la relation entretenue par les parties présente un caractère purement temporaire, que les juges refusent de la qualifier de relation établie.

Enfin, il importe peu que les parties aient formalisé leurs relations par la signature d’un contrat écrit. Ainsi, des parties ayant noué une relation d'affaires de façon purement informelle pourront être considérées, en fonction de l'ancienneté et de la continuité de ces relations, comme ayant entretenu des relations commerciales établies. De même, lorsque la relation commerciale est contractuellement encadrée, les tribunaux pourront également tenir compte des éventuelles relations entretenues hors contrat pour apprécier la portée de cette relation.

La notion de rupture brutale

La brutalité de la rupture se caractérise par l'absence de « préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale » et de la durée minimale de préavis fixée par des accords interprofessionnels (à l’heure actuelle, les seuls accords interprofessionnels conclus l’ont été dans les secteurs de l'édition graphique, de l'imprimerie, de l'automobile et du bricolage).

La rupture peut être totale, mais également partielle. Une rupture partielle matérialisée par une baisse d'activité ou un ralentissement des prises de commandes peut tomber sous le coup de l'article L. 442-6 I 5°, dès lors qu'elle intervient sans préavis écrit suffisant. Si une baisse d'activité de l'ordre de 75 % ne prête guère à discussion, une baisse de commandes de 17 % a pu être retenue comme constituant une rupture brutale (CA Paris, 13 déc. 2007, n° 04/07626).

La durée du préavis

L'article L. 442-6 I 5° prévoit deux critères d'appréciation du préavis : la durée de la relation commerciale et la durée minimale de préavis déterminée par des accords interprofessionnels.

L'application du critère de la durée de la relation exige de prendre en compte la relation commerciale dans son intégralité. Si une relation a donné lieu à une succession de contrats à durée déterminée, il faut tenir compte de la durée cumulée de l'ensemble des contrats.

Quant au délai minimal fixé par accord interprofessionnel, celui-ci a une portée particulièrement limitée puisque dans son appréciation le juge devra également prendre en compte la durée de la relation commerciale et les autres circonstances de l'espèce pouvant exiger un délai de préavis plus long.

Outre ce critère relatif à la durée du préavis, la jurisprudence a dégagé un principe lié à la reconversion de la victime de la rupture. L'auteur de la rupture doit ainsi permettre à la victime d'anticiper la fin de leurs relations afin de réorienter ses activités, trouver de nouveaux clients ou de nouveaux marchés. D'autres circonstances ont également été retenues en jurisprudence pour apprécier le préavis : l'importance de la relation commerciale, l'évolution du chiffre d'affaires, les perspectives commerciales, les investissements réalisés dans le cadre de la relation ou encore le caractère saisonnier de l'activité.

La coexistence de l'ensemble de ces critères nécessite donc une appréciation in concreto de chaque situation, dans laquelle le conseil d’un avocat spécialiste de ce type de contentieux est souvent indispensable.

Le tableau ci-dessous recense plusieurs décisions de jurisprudence ayant évalué la durée des préavis qu’aurait du retenir l’entreprise qui a rompu les relations commerciales.

La faute de la victime de la rupture, seule circonstance dispensant du     respect d’un préavis.

Le législateur a maintenu la faculté de rompre les relations commerciales sans préavis « en cas d'inexécution par l'autre partie de ses obligations ou en cas de force majeure ».

Le manquement contractuel doit être suffisamment grave, et justifier une cessation immédiate des relations. Le non-respect d'une clause d'objectif ou des critères de sélection dans un réseau de distribution sélective, l'absence de commandes par un partenaire exclusif ou l'existence de factures impayées, sont considérés comme des inexécutions contractuelles graves.

Concernant les cas de force majeure dispensant l’auteur de la rupture des relatons commerciales de respecter un préavis, ceux-ci sont extrêmement rares, à tel point qu’il est difficile d’en donner des exemples. Toutefois, il a été jugé que les baisses constantes des volumes, la chute du carnet de commandes ou la fermeture d'un site ne sont pas considérés comme relevant de la force majeure et ne dispensent donc pas l'auteur de la rupture d'accorder un préavis.

L’évaluation du préjudice consécutif à la rupture des relations commerciales

Si le préjudice subi par la victime est apprécié de manière souveraine par les tribunaux, ces derniers ont dégagé certains principes quant à son estimation. Celui est généralement déterminé à partir du gain manqué par la victime qui correspond à la perte de la marge brute dont elle aurait bénéficié pendant la durée du préavis, si ce dernier avait été suffisant. La perte de marge brute est habituellement calculée à partir des marges réalisées au cours des trois dernières années. Le marge brute peut être définie comme la différence entre le prix de vente d'un produit ou service et son coût de revient (coûts de production ou d'acquisition).

D'autres postes de préjudices ont été retenus dès lors qu'ils sont causés par la brutalité de la rupture. Tel est le cas des investissements spécifiques non amortis, le coût de fermeture des locaux ou des licenciements du personnel, ou l'atteinte à l'image de marque.

Le comportement de la victime peut aussi avoir une influence sur son indemnisation. Ainsi son indemnisation sera minorée dans l’hypothèse où elle s’est délibérément placée dans une situation de dépendance économique à l’égard de l’auteur de la rupture sans chercher à diversifier ses activités ou sa clientèle.

Le contentieux de la rupture brutale des relations commerciales établies est donc un contentieux très complexe notamment au niveau de ses conditions d’application. L’assistance d’un avocat spécialiste de cette question est généralement indispensable pour l’opérateur économique qui s’estime victime de ce type de pratique.

Le Conseil de l’Avocat

Conseil pour l’entreprise qui souhaite rompre une relation commerciale :Respecter un préavis de manière systématique afin d’anticiper la fin de vos relations commerciales avec vos partenaires.

Conseil pour l’entreprise victime : Attention au déréférencement progressif. Le conseil d’un avocat dès les premières diminutions de commandes peut permettre d’anticiper une rupture progressive des relations commerciales.