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Droit à la preuve face à la protection des données personnelles : peut-on tout utiliser comme moyen de preuve ?

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20.07.2017 14:45 Il y a: 7 yrs
Categorie: Droit de la Propriété Intellectuelle, Droit d’auteur et propriété littéraire et artistique
Auteur : Me France Charruyer - Avocat Toulouse

La photographie d’art : Tout savoir sur l’appréciation de l’originalité d’une œuvre d’art par la Cour de cassation


L’originalité est la condition d’accès au régime du droit d’auteur. Elle a été caractérisée par la Cour de cassation comme « l’empreinte de la personnalité de son auteur ». Cependant, ce sont les juges du fond qui bénéficient du pouvoir souverain d’apprécier ce critère au regard des preuves apportées par la partie demanderesse. Ils doivent rechercher que l’auteur a effectué des choix arbitraires lors de la réalisation de la création [1]. La Cour de cassation n’exerce qu’un contrôle a posteriori consistant à vérifier que les juges du fond ont effectivement démontré en quoi les choix effectuéspar l’auteur porte l’empreinte de sa personnalité :
  • contrôle sur l’existence de la motivation : vérification que les juges du fond ont expliqué la reconnaissance ou le rejet de l’originalité ;
  • contrôle sur la pertinence juridique de la motivation : vérification que les juges du fond ont appliqué le bon critère pour examiner la présence de l’originalité (ex : ne pas confondre originalité et nouveauté) ;
  • contrôle sur la suffisance de la création : les juges du fond doivent développer un argumentaire suffisant afin d’expliquer en quoi ses choix reflètent la personnalité de l’auteur.
A côté de sa fonction de « contrôleur » de la bonne application des règles de droit par les juges du fond, la Cour de cassation a également le rôle de délimiter le domaine de la protection du droit d’auteur :     - elle donne une définition de l’œuvre de l’esprit selon les cas d’espèce à partir du critère des choix arbitraires exercés par l’auteur :
  • ne peuvent notamment bénéficier de ce régime de protection : la mise en œuvre du savoir-faire, une forme dictée par sa fonction technique excepté si l’auteur a fait des choix de combinaison ;   
  • peuvent bénéficier de la protection : la combinaison d’ensemble d’éléments banals, connus ou fonctionnels, des modèles réduits d’œuvres
    - limitation de l’accès à la protection avec un appréciation souple dans son contrôle : elle ne ferme pas la porte à des créations qui ne répondraient pas a priori au critère attendu mais exige que les juges du fond soient plus précis dans leur motivation sur l’existence des choix arbitraires exercés par l’auteur (ex : créations à finalité utilitaire ou fonctionnelle) A titre d’exemple, s’agissant de l’appréciation de l’originalité des photographies prises « en rafale », la Cour de cassation est réticente à admettre l’accès à la protection pour ce genre de création [2]. Cependant, dans un arrêt rendu récemment par la première chambre civile de la Cour de cassation le 11 mai 2017, cette dernière a cassé la décision rendue par les juges du fond qui prononçait le refus d’originalité de clichés pris « en rafale » car l’appréciation menée par ces derniers n’était pas correcte. Elle a pu apporter des éclaircissements et ne ferme donc pas la porte à ce genre de création [3].

Alors comment apprécier l’originalité des photographies capturées en rafale ?

La Cour de cassation rappelle que :
  • Si une photographie fait preuve de « véritables qualités techniques et esthétiques » elle n’est pas forcément originale et donc n’exprime pas l’empreinte de la personnalité de l’auteur ;
  • « une prise en rafale » peut démontrer l’absence de choix de la part du photographe: la rapidité de création peut chasser l’originalité.
Alors, afin d’apprécier l’originalité d’une prise de rafale, la Cour de cassation utilise le même mécanisme d’appréciation que la Cour de justice de l’Union Européenne [4]:
  • appréciation de l’originalité au stade préparatoire (avant la réalisation de la photographie) : la photographie sera originale si l’auteur a opéré des choix de mise en scène ou d’éclairage par exemple ;
  • appréciation de l’originalité au moment de la prise de photographie : Il faut que le photographe ait fait un cadrage ou un choix de l’angle de vue de la photographie. Cela ne doit pas résulter du fruit du hasard ;
  • appréciation de l’intervention a posteriori du photographe : il peut s’agir  des améliorations que le photographe a opéré postérieurement à la prise de photographie. Il faut que ces améliorations reflète l’empreinte de la personnalité de l’auteur.
Une œuvre a une identité propre donc il faut apprécier l’originalité des photographies individuellement car certaines peuvent être originales et d’autres non [5]; Si le nombre de photographies est élevé, la Cour de cassation admet  si certaines photographies ont des caractéristiques communes, c’est notamment le cas pour des photographies prises en rafale, l’originalité peut être appréciée de façon regroupée. Synthèse réalisée à partir de deux documents :
- C. THOMAS-RAQUIN & M. LE GUERER, Pratique contentieuse. Le contrôle de l’originalité d’une œuvre par la Cour de cassation, Communication Commerce électronique n°1, janv. 2017, 2
- C. Caron, Contrôle de la Cour de cassation sur la caractérisation de l’originalité de photographies – Communication Commerce électronique n°7-8, juill. 2017, comm. 59
[1] Cass. 1re civ. 11 mai 2017, n°15-29.374, Colinet c/ Sté Hugo et Sté La provence : JurisData n°2017-009097
[2] CJUE, 1er déc. 2011, aff. C-145/10, Painer c/ Axel Springer AG et al
[3] Cass. 1re civ. 11 mai 2017, n°15-29.374, Colinet c/ Sté Hugo et Sté La provence : JurisData n°2017-009097
[4] CJUE, 1er déc. 2011, aff. C-145/10, Painer c/ Axel Springer AG et al
[5] Cass. Soc., 24 avr. 2013, n°10-16.063 et n°10-30.676 : Propr. Intell. 2013, n°48, p. 287, note A. Lucas