« Vous n’avez pas vu un arbre jusqu’à ce que vous ayez aperçu son ombre à partir du ciel ». Ces quelques mots de l’aviatrice américaine Amelia Earhart pourraient être de ceux employés, de nos jours, par les forces de police tant ils recourent à la captation d’images au moyen de dispositifs aéroportés (avions et hélicoptères ou drones) pour réaliser plus efficacement leurs missions et assurer la sécurité de leurs interventions en tous lieux du territoire national. C’est la raison pour laquelle un militant a saisi le tribunal administratif de Lyon aux fins de suspendre le survol des hélicoptères de la gendarmerie lors des manifestations. Pour ce dernier, l’utilisation de caméras embarquées aériennes portait « une atteinte grave et immédiate au droit au respect de la vie privée, au droit à la protection des données personnelles, ainsi qu’à la liberté d’expression et à la liberté de manifester ».
Néanmoins, après avoir rappelé que la suspension d’un acte administratif ne peut avoir lieu que « lorsque l’exécution de celui-ci porte atteinte, de manière suffisamment grave et immédiate, à un intérêt public », le juge des référés lyonnais a considéré que « la circonstance, parfaitement hypothétique, que M. L. serait susceptible de faire l’objet, lors d’une prochaine manifestation à laquelle il pourrait participer, des mesures de surveillance litigieuses, par un hélicoptère doté d’un dispositif de captation d’images, en méconnaissance des droits et libertés qu’il invoque, n’est pas susceptible de permettre de caractériser l’existence d’une situation d’urgence justifiant l’intervention du juge des référés dans le bref délai prévu par l’article L. 521-1 précité du code de justice administrative ». Certes, en retenant de manière controuvée une situation « hypothétique », la solution était attendue non sans que ce contentieux renferme une autre question : celle de savoir si les enquêteurs peuvent utiliser les images captées par des caméras embarquées sur des hélicoptères pour tenter d’identifier des personnes lors des manifestations ?
En effet, l’usage de caméras embarquées sur des hélicoptères n’est, en l’état du droit, encadré par aucune règle spécifique – contrairement à l’usage des drones – et n’a jamais été sanctionné par le juge ou par la Commission nationale de l’informatique et des libertés. Dès lors, aucune limite ne vient interdire aux forces de police de surveiller la voie publique par hélicoptères, bien que comme ait pu le rappeler le Conseil d’État : « L’usage de ces dispositifs en tous lieux et par de nombreuses autorités, y compris à des fins de surveillance, soulève ainsi des enjeux en termes de garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l’exercice des libertés publiques ou, s’agissant des situations comportant une dimension judiciaire, conduit à s’interroger sur l’encadrement nécessaire en matière de procédure pénale » (Conseil d’État, 20 oct. 2020, avis n° 4012014).
Pour autant, faisant fi des critiques, les parlementaires ont récemment légitimé la vidéosurveillance mouvante (drones, caméras-piétons, caméras embarquées) au sein de la proposition de loi dite de « Sécurité globale ». Or, face aux incertitudes quant à la durée de conservation des données récoltées, des types de lieux pouvant être filmés, de l’accès aux images ou des informations sur la captation, le Conseil constitutionnel, qui a été saisi de ce texte le 20 avril 2021, pourrait-il rabattre les cartes afin de refuser une militarisation de la surveillance de l’espace public ? Affaire à suivre.
LE PÔLE DATA/IP/IT