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< Les captures d’écran effectuées pour prouver l’utilisation abusive d’Internet pendant le temps de travail sont admises
07.11.2013 12:21 Il y a: 11 yrs
Categorie: Droit pénal du travail
Auteur : Me France Charruyer - Avocat Toulouse - Conseil et Contentieux

Ô temps suspends ton vol : ou comment le temps de travail devient objet de propriété et un enjeu social


Faits :

Un salarié prothésiste avait réalisé pendant ses heures de travail avec le matériel et les fournitures de son employeur et sans son accord, des moulages pour des prothèses provisoires à destination d’un prothésiste libéral pour la réalisation de prothèses définitives contre rémunération par ce dernier. Il était alors rémunéré par son employeur tout en exerçant une activité extérieure qui lui profitait exclusivement.

Décision :

C’est une première pour la Cour de cassation qui, par un arrêt de la chambre criminelle en date du 19 juin 2013, vient de juger que « l’utilisation, par un salarié, de son temps de travail à des fins autres que celles pour lesquelles il perçoit une rémunération de son employeur constitue un abus de confiance », défini par l’article 314-1 du code pénal comme « le fait par une personne de détourner, au préjudice d’autrui, des fonds, des valeurs, ou un bien quelconque qui lui ont été remis et qu’elle a acceptés à charge de le rendre ou de le restituer ou d’en faire un usage déterminé ».

Intérêt :

La Cour de cassation fait feu du principe de légalité criminelle en réécrivant le sens de la loi et transforme ainsi complètement le domaine de l’infraction d’abus de confiance.
Cette solution qui consacre le temps de travail comme bien susceptible de remise et de détournement va au delà de l’interprétation extensive de l’article 314-1 qui avait permis aux biens incorporels de devenir objets d’abus de confiance.

Cette décision a été très critiquée par la doctrine, et pose même une question philosophique : peut-on être propriétaire du Temps, et a fortiori du temps de travail ?

Cette jurisprudence confirme la nécessité pour l’employeur de s’assurer du contrôle du temps de travail. En effet, de récentes affaires montrent que la frontière est de plus en plus ténue entre vie privée et temps de travail en matière d’utilisation de nouvelles technologies par le salarié, ce qui pose l’évident problème de la réglementation dans l’entreprise. Ainsi, l’arrêt de la Cour d’appel de Pau du 13 juin 2013 a autorisé l’employeur à faire des captures d’écran sur l’ordinateur utilisé par le salarié afin de démontrer sa pratique abusive d’internet. Cet arrêt est très révélateur du cadre donné par la Cour de cassation sur le contrôle du temps de travail du salarié. S’assurer en interne de la traçabilité du temps de travail est un impératif. L’employeur devra préciser les modalités de contrôle et informer les salariés des incidences éventuelles de toute utilisation abusive du net. Le salarié doit protéger certes sa vie privée et ne pas la confondre avec le temps de travail, la réciproque étant vraie pour l’employeur. Loyauté et proportionnalité sont les règles élémentaires à également respecter de part et d’autre.

Toute notre attention se porte désormais sur les prochaines décisions de la Cour de cassation afin de constater si elle confirmera cette interprétation de l’abus de confiance ou bien s’il s’agit là d’une jurisprudence isolée.