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18.01.2022 15:07 Il y a: 3 yrs
Categorie: Droit Social, Veille Juridique

LOI SANTÉ AU TRAVAIL : L'ACCENT SUR LA PRÉVENTION


Par la loi n° 2021-1018 du 2 août 2021 pour renforcer la prévention en santé au travail, dite loi Santé au travail, le législateur met l’accent sur la prévention en matière de santé au travail et de réinsertion, tout en s’employant à réformer les services de santé au travail. Il s’agit, en réalité d’une transposition de l’ANI (accord national interprofessionnel) conclu par les partenaires sociaux, à l’exception de la CGT, le 10 décembre 2020. Le législateur a, également, profité de l’occasion pour aligner la définition du harcèlement sexuel contenue dans code du travail sur celle du code pénal.

 

 

Les dispositions de la loi entreront en vigueur le 31 mars 2022, ou, pour certaines, à une date fixée par la loi ou par les décrets à paraître.

 

 

1. La prévention de la santé au travail et de la désinsertion

 

1.1. Précisions sur de la démarche d’évaluation des risques

 

Pour répondre à une demande des syndicats patronaux, la loi santé au travail précise le contenu du document unique d’évaluation des risques (DUER) qui devra, désormais, répertorier l’ensemble des risques professionnels, et assurer la traçabilité collective de ces expositions (C. trav., art. L. 4121-3-1 I et II nouveau à venir).

 

Le DUER, appréhendé par le législateur comme un simple outil intermédiaire, devra déboucher sur :

 

  • La définition d’actions de prévention des risques et de protection des salariés, listées directement dans le DUER, dans les entreprises de moins de 50 salariés ;

 

  • La réalisation d’un programme annuel de prévention des risques professionnels et d’amélioration des conditions de travail dans les entreprises d’au moins 50 salariés.

 

Le programme annuel, dont le contenu sera précisé, devra comprendre les mesures de prévention des effets de l’exposition aux risques, les conditions d’exécution de ces mesures, et l’estimation de leur coût.

 

En outre, l’employeur devra réaliser une véritable consultation du Comité social et économique (CSE) sur le DUER dans les entreprises d’au moins 50 salariés (C. trav., art. L. 4121-3, 1°, modifié à venir), outre l’information sur le programme annuel de prévention dans le cadre de la consultation sur la politique sociale de l’entreprise (C. trav., art. L. 2312-27, 2°, modifié à venir).

 

En revanche, dans les entreprises de moins de 50 salariés, les mesures de Prévention ne feront l’objet que d’une simple présentation (C. trav., art. L. 2315-5, al. 2, modifié à venir).

 

Pour l’évaluation des risques, l’employeur devra solliciter le concours de la Commission santé, sécurité et conditions de travail (CSSCT) si elle existe, et, le cas échéant, celui des salariés compétents en matière de protection et de prévention des risques désignés, ainsi que du Service de prévention de santé au travail (SPST) (C. trav., art. L. 4121-3, al. 2 à 6, modifié à venir).

 

Enfin, l’employeur devra transmettre le DUER au SPST lors de chaque mise à jour, et le conserver dans ses différentes versions pendant une durée d’au moins 40 ans sur un portail numérique administré par les organisations professionnelles d’employeurs représentatives au niveau national et interprofessionnel (à compter du 1er juillet 2023 pour les entreprises de plus de 150 salariés, et à compter du 1er juillet 2024 pour les entreprises de moins de 150 salariés – une réglementation ultérieure viendra préciser les modalités de fonctionnement de ce portail).

 

 

1.2. La formation des salariés et de leurs représentants comme moyen de prévention

 

À une date qui devra être fixée par voie de décret et au plus tard le 1er octobre 2022, chaque salarié devra être doté d’un passeport prévention dont les modalités devront être définies par le Comité national de prévention et de santé au travail (CNPST).

 

Ce passeport alimenté par l’employeur, les organismes de formation et le salarié, renseignera les certificats et diplômes obtenus par son titulaire en matière de santé et sécurité au travail (C. trav., art. L. 4141-5, al. 5, nouveau à venir).

 

Le salarié pourra autoriser l’employeur à consulter l’ensemble des données contenues dans le passeport de prévention, y compris celles que l’employeur n’y aura pas versées, pour les besoins du suivi des obligations de ce dernier en matière de formation à la santé et à la sécurité.

 

Les modalités de mise en œuvre de ce passeport seront déterminées par décret. À ce jour, il semblerait, en l’état de la loi adoptée, que l’employeur ne puisse simplement que consulter les informations y figurant, sans pouvoir les conserver. En tout état de cause, il lui appartiendra de mettre en œuvre ce traitement de données en respectant la règlementation relative à la protection des données à caractère personnel, et notamment veiller à apporter les mentions d’information requises au salarié, ainsi que mettre en œuvre la documentation obligatoire et les mesures techniques et organisationnelles de sécurité adéquates.

 

La formation des membres de la délégation du personnel au CSE, et, le cas échéant, de la CSSCT en matière de santé, sécurité et conditions de travail, sera, également, renforcée. Dans les entreprises d’au moins 11 salariés, les membres du CSE devront suivre minimum 5 jours de formation pour un premier mandat, et 3 jours pour tout renouvellement. Cette durée de 3 jours et portée à 5 pour les membres de la CSSCT des entreprises d’au moins 300 salariés.

 

Attention, ce sera à l’employeur d’organiser ces formations (elles ne se feront plus à la demande des élus), et l’employeur ne pourra obtenir un financement de son Opérateur de compétence (OPCO) que dans les entreprises de moins de 50 salariés (conformément au droit de la formation professionnel).

 

En outre, les salariés compétents pour s’occuper des activités de protection et de prévention des risques professionnels bénéficieront, dans les mêmes conditions et de façon automatique, de la formation santé sécurité et conditions de travail (C. trav., art. L. 4644-1, al. 2, modifié à venir).

 

 

1.3. La mise en place de mesures de prévention de la désinsertion

 

Pour entamer la lutte contre la désinsertion professionnelle, la Loi santé au travail se place, tout d’abord, sur le terrain institutionnel en créant une cellule pluridisciplinaire de prévention de la désinsertion professionnelle au sein des Services de prévention à la santé au travail interentreprises (SPSTI, anciens SSTI).

 

Les cellules, coordonnées et animées par le médecin du travail, en collaboration, notamment, avec le personnel de santé chargé de soins et le service de contrôle médical de l’assurance maladie, ont pour missions :

  • De proposer des actions de sensibilisation,
  • D'identifier les situations individuelles,
  • De proposer, en lien avec l'employeur et le travailleur, les mesures individuelles d‘aménagement, d’adaptation ou de transformation du poste de travail ou des mesures d’aménagement du temps de travail,
  • De participer à l'accompagnement du travailleur éligible au bénéfice des actions de prévention de la désinsertion professionnelle prévues à l'article L. 323-3-1 du Code de la sécurité sociale,
  • De procéder à l’information des organismes de sécurité sociale (à compter du 1er janvier 2024).

 

La loi Santé au travail prévoit, également, la mise en place de nouvelles visites médicales.

 

Elle institue, premièrement, une visite médicale post-exposition. Cette visite, autrefois rattachée à la visite médicale avant départ en retraite, devra être réalisée dans les meilleurs délais après la cessation de l’exposition au risque.

 

De plus, le médecin du travail devra obligatoirement mettre en place une surveillance post-exposition ou post-professionnelle avec le concours du médecin traitant et du médecin-conseil de la sécurité sociale (C. trav., art. L. 4624-2-1, modifié à venir).

 

De même, le législateur crée une visitemédicale de mi- carrière dont la date est fixée au 45e anniversaire du salarié, à défaut de précision par accord de branche.

 

Cette visite a pour objectif de :

  • Faire un état des lieux sur l’adéquation entre le poste de travail occupé et l’état de santé du salarié,
  • Évaluer les risques de désinsertion professionnelle,
  • Sensibiliser le salarié aux enjeux du vieillissement au travail et sur la prévention des risques professionnels.

 

Par ailleurs, la loi Santé au travail institue un rendez-vous de liaison entre l’employeur et le salarié absent pour maladie ou accident professionnel ou non professionnel (C. trav., art. L. 1226-1-3 nouveau à venir).

 

Selon ce texte, le rendez-vous, organisé par l’employeur, peut être proposé au salarié (qui peut le refuser), en collaboration avec le SPSTI « lorsque la durée de l’absence de travail du salarié justifiée par l’incapacité résultant de maladie ou d’accident, constaté par certificat médicale et contre-visite s’il y a lieu, est supérieure à une durée fixée par décret, la suspension du contrat de travail ».

 

Il a pour objectif d’informer le salarié qu’il peut bénéficier d’actions de prévention de la désinsertion professionnelle, de l’examen de pré-reprise et des mesures d’aménagement du poste et du temps de travail.

 

Pour plus d’efficacité, à compter du 1er janvier 2024, la communication entre le SPST et l’assurance maladie sera facilité pour les arrêts de travail qui remplissent les conditions qui seront fixées par décret ou qui présentent un risque de désinsertion professionnelle (C. trav., art. L. 315-4). Le salarié devra néanmoins apporter son accord.

 

Enfin, la loi inscrit dans le marbre le rôle de laCaisse nationale de l’assurance maladie (CNAM) en matière de prévention de la désinsertion professionnelle. La CNAM dispose, par exemple, à ce titre, d’une mission de promotion. Elle participera, également, à la demande du salarié, à l’organisation d’essais encadrés et de conventions de rééducation professionnelle en entreprise (CRPE) (CSS., art. L. 323-3-1, al. 2 et s. modifié à venir) désormais ouverte aux travailleurs inaptes ou identifiés par le médecin du travail comme présentant un risque d’inaptitude et non aux seuls salariés handicapés.

 

 

2. La réforme des services de santé au travail et de la gouvernance du système de santé au travail, axée sur la prévention

 

2.1. Modernisation des services de santé au travail

 

La loi Santé au travail entend réformer les services de santé au travail (SST) qu’elle renomme services de prévention et de santé au travail (SPST).

 

La loi du 2 août 2021 définit, tout d’abord, un socle de services devant être offerts aux entreprises adhérentes, sous peine de sanctions variables allant jusqu’à la désignation d’un administrateur provisoire. Ces services fondamentaux comprennent, notamment, l’ensemble des missions prévues par le Code du travail en matière de prévention des risques professionnels et de désinsertion professionnelle (C. trav., art. L. 4622-9-1 à L. 4622-9-3 nouveaux à venir).

 

À côté de ce socle principal, les missions des SPST sont diversifiées. Ces derniers sont, en effet, chargés d’aider l’employeur à évaluer et prévenir les risques professionnels (C. trav., art. L. 4622-2), mais aussi d’œuvrer pour améliorer la qualité de vie et des conditions de travail (QVCT) (C. trav., art. L. 4622-2, 2°, modifié à venir) ou analyser l’impact sur la santé et la sécurité des travailleurs des changements organisationnels importants dans l’entreprise (C. trav., art. L. 4622-2, 2° bis, modifié à venir).

 

Dans une vision transversale du suivi médical des travailleurs, le législateur entend, également, faire participer les SPST aux campagnes de vaccination et de dépistage (C. trav., art. L. 4622-2, 5°, modifié à venir), et permettre au médecin du travail d’accéder au dossier médical partagé des travailleurs, sous réserve d’accord du salarié concerné préalablement informé de ses droits.

 

Afin de garantir la qualité des services fournis et la probité des SPSTI, une procédure de certification doit, par ailleurs, être réalisée par un organisme indépendant (C. trav., art. L. 4622-9-3 nouveau à venir). Il convient de noter que cette certification ne remplace en aucun cas l’agrément administratif délivré par les Directions régionales de l’économiue, de l’emploi, du travail et des solidarités (DREETS).

 

Autre nouveauté, la loi Santé au travail prévoit qu’un « médecin praticien correspondant (en collaboration avec les services de santé et de prévention), disposant d’une formation en médecine du travail, peut contribuer, en lien avec le médecin du travail, au suivi médical du travailleur prévu à l’article L 4624-1, à l’exception du suivi médical renforcé prévu à l’article L. 4624-2, au profit d’un service de prévention et de santé au travail interentreprises » (C. trav., art. L. 4623-1 modifié à vernir).

 

Le législateur abat, ainsi, les barrières entre médecine générale et médecine du travail. Néanmoins, afin de garantir une certaine indépendance de chaque professionnel de santé, le nouvel article prévoit que le médecin praticien ne peut cumuler sa fonction avec celle de médecin traitant.

 

De même, le législateur permet au médecin du travail, à titre expérimental et dans trois régions volontaires de prescrire ou renouveler un arrêt de travail et de prescrire des soins, examens ou produits de santé strictement nécessaires à la prévention de l’altération de la santé du travailleur en raison de son travail ou nécessaire à la compatibilité de son état de santé avec son emploi.

 

 

2.2. Réorganisation de la gouvernance de la prévention et de la santé au travail

 

La loi du 2 août 2021 a pour objectif d’améliorer la gouvernance de la prévention et de la santé au travail.

 

Pour cela, elle modifie, notamment, le conseil ayant pour charge d’administrer les SPST.

 

Désormais le conseil est composé, non seulement, par des représentants des employeurs et des salariés, mais aussi par les organisations représentatives au niveau national et interprofessionnel. Le législateur entend, ainsi, accroitre la légitimité de la gouvernance des SPST.

 

Afin d’assoir le nouvel axe de la prévention, la loi Santé au travail crée, également, un comité national (CNPST) prenant place au sein du Conseil d’orientation des conditions de travail (COCT) et étant composé de représentants de l’État, de la CNAM, de la MSA et des organisations syndicales et patronales représentatives au niveau national et interprofessionnel (C. trav., art. L. 4641-2-1 nouveau à venir).

 

Ce comité ayant pour fonction, notamment, de participer à l’élaboration des politiques publiques en matière de santé au travail, et de préciser et mettre en œuvre le passeport prévention, est secondé par des Comités régionaux de prévention et de santé au travail (CRPST) également créés au sein des conseils régionaux d’orientation des conditions de travail (CROCT) (C. trav., art. L. 4641-5 nouveau à venir).

 

La loi Santé au travail permet également, et sous certaines conditions, la fusion des Associations régionales pour l’amélioration des conditions de travail (ARACT) et de l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail (ANACT) (L. n° 2021-1018 du 2 août 2021, art. 38, II).

 

 

3. L’élargissement de la définition du harcèlement sexuel sur le modèle de la définition pénale

 

Dépassant le cadre de l’ANI sur la santé au travail du 10 décembre 2020, le législateur profite de la loi nouvelle pour mettre en adéquation la définition du harcèlement sexuel du Code du travail avec celle du Code pénal.

 

Ainsi, la loi du 2 août insère dans la définition actuelle les cas d’agissements sexistes et ajoute les trois alinéas suivants :

 

« Le harcèlement est également constitué :

a) Lorsqu'un même salarié subit de tels propos ou comportements venant de plusieurs personnes, de manière concertée ou à l'instigation de l'une d'elles, alors même que chacune de ces personnes n'a pas agi de façon répétée ;

b) Lorsqu'un même salarié subit de tels propos ou comportements, successivement, venant de plusieurs personnes qui, même en l'absence de concertation, savent que ces propos ou comportements caractérisent une répétition ».

 

Le harcèlement sexuel peut, donc, désormais être constitué, alors que l’auteur n’est pas à l’origine de faits répétés de harcèlement sexuel ou sexiste, mais dès lors que le salarié victime subit de tels faits de manière répétée.

 

 

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