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03.04.2013 17:40 Il y a: 12 yrs
Categorie: Relations individuelles et contrat de travail
Auteur : Sébastien Mataly, Avocat Toulouse - Conseil & Contentieux

Les dix commandements de la rupture conventionnelle


Afin de sécuriser toute rupture conventionnelle, tant au niveau procédural que sur le fond, il appartient à l’employeur de respecter les dix commandements suivants :

1. Entretien préalable : Informer le salarié de sa faculté d’y être assisté

Le salarié bénéficie de la possibilité de se faire assister, soit par une personne de son choix appartenant au personnel de l’entreprise, soit en l’absence de représentant du personnel par un conseiller du salarié choisi sur une liste dressée par l’autorité administrative, au cours du ou des entretiens1 .

A défaut d’information du salarié sur cette faculté, la convention pourra être annulée, entrainant alors le prononcé d’un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse2 .

2. Utiliser le formulaire type de demande d’homologation

L'homologation de la rupture conventionnelle est subordonnée à l'envoi du formulaire de demande d'homologation tel que défini par arrêté ministériel3 .

Par conséquent, la demande d’homologation adressée à l’administration sans avoir été établie sur la base du modèle Cerfa sera déclarée irrecevable. Toutefois, les parties ne seront pas dans l’obligation de refaire toute la procédure, dès lors qu’elle a été régulièrement suivie, et peuvent se contenter de réitérer, dans les formes imposées, la demande d’homologation4 .

3. Remettre au salarié un double de la convention

Le double de la convention de rupture doit être remis au salarié5 , et ce pour deux raisons :
  • Garantir le libre consentement du salarié, en lui permettant d'exercer ensuite son droit de rétractation en connaissance de cause;
  • Permettre à chacune des parties de demander l'homologation de la convention6 .
A défaut, la convention sera nulle, et le licenciement qui en découle, sans cause réelle et sérieuse.

Il est conseillé à l’employeur d’établir 3 exemplaires de la convention de rupture : un pour le salarié, un pour l’employeur, et un pour la DIRECCTE.

4. Respecter les délais de rétractation et d’homologation

Le délai de rétractation de 15 jours calendaires7  s’impose à chacune des parties, afin de garantir la liberté de leur consentement.

La demande d'homologation ne peut donc être envoyée à l’administration avant l’expiration du délai de rétractation, et ne saurait être régularisée par une demande d'homologation postérieure8 .

Par ailleurs, il appartient à l’employeur de veiller à ce que le salarié ne travaille pas au-delà du délai d’homologation de 15 jours ouvrables9 : un tel comportement vaudrait, en effet, renonciation à l’existence et aux effets de la rupture conventionnelle, par chacune des parties10 .

5. Signer en l’absence de tout litige et avec le consentement libre et éclairé du salarié

Les parties conviennent « en commun » des conditions de la rupture du contrat de travail : la rupture conventionnelle ne peut être imposée par l’une ou l’autre des parties11 .

Chacune d’elle doit donner un consentement libre et éclairé12  à la rupture conventionnelle du contrat de travail.

Par conséquent, la validité de la rupture conventionnelle est subordonnée à l'absence de litige entre les parties13 .

Aucune rupture conventionnelle ne peut donc être signée notamment en présence d’un litige relatif au paiement d’heures supplémentaires et dégradation des conditions de travail14 , le jour de l’entretien préalable au licenciement pour faute grave15  ou sous la menace d’une procédure de licenciement16 .

De même, la rupture conventionnelle conclue dans un contexte de harcèlement moral est nulle17 , le consentement du salarié n’ayant pu être donné librement.

En revanche, dès lors que les conséquences d’un litige sont réglées avant la signature de la convention (en l’espèce, arriérés de salaires) et qu’il en est résulté une indemnité plus favorable au salarié, il peut être considéré que la signature s’est réalisée en l’absence de tout différend18 .

6. Ne pas contourner les règles applicables au licenciement économique collectif

Le recours à la rupture conventionnelle ne doit pas avoir pour objectif de contourner les règles relatives au licenciement pour motif économique, afin d'éviter la mise en place d'une procédure de licenciement collectif.

Par conséquent, les ruptures conventionnelles qui ont, en réalité, une cause économique et qui s’inscrivent dans un processus de réduction des effectifs, doivent être prises en compte pour déterminer la procédure d’information et de consultation des représentants du personnel applicable ainsi que les obligations de l’employeur en matière de plan de sauvegarde de l’emploi 19 .

7. Ne pas signer avec un salarié dont le contrat est suspendu pour cause d’accident du travail, maladie professionnelle, ou de grossesse

Aucune rupture conventionnelle ne peut être signée avec un salarié absent suite à un accident du travail20 , au cours d’une période de rechute suite à un accident du travail21 , ou durant un congé maternité22 .

En outre, l’employeur ne peut conclure une rupture conventionnelle avec un salarié accidenté du travail, entre ses deux visites de reprise23 . La rupture conventionnelle organisée dans ce contexte, et ce afin d’éviter les conséquences d’un avis d’inaptitude, sera annulée. Le licenciement qui en découlera sera nul, et non sans cause réelle et sérieuse24 .

En revanche, dès lors que la suspension du contrat de travail ne confère pas de protection particulière au salarié, la rupture conventionnelle de son contrat de travail est possible (notamment durant un arrêt de travail pour maladie non professionnelle25 , un congé parental d’éducation26 ).

8. Verser une indemnité au moins égale à l’indemnité de légale ou conventionnelle de licenciement

Le montant de l'indemnité spécifique de rupture conventionnelle ne peut pas être inférieur à celui de l'indemnité légale ou conventionnelle (si elle est supérieure) de licenciement27 . A défaut, la convention pourra être annulée et le licenciement qui en découlera sera sans cause réelle et sérieuse28 .

9. Signature avec un salarié protégé : Respecter la procédure spéciale29

Lorsque la consultation du comité d’entreprise est requise sur le projet de licenciement d’un salarié protégé, l’avis de ce comité doit précéder la signature de la convention de rupture.

Le procès verbal la réunion est alors joint à la demande d’autorisation.

Lors des entretiens, il incombe à l’employeur de donner au salarié une information précise sur le régime fiscal et social de l’indemnité de rupture conventionnelle.

De plus, les parties doivent remplir un formulaire spécifique de rupture conventionnelle, destiné aux salariés protégés.

Une fois le délai de rétractation expiré, la demande d'autorisation (et non d’homologation) doit être adressée à l'inspecteur du travail selon la procédure habituelle, accompagnée du formulaire spécifique.

L’inspecteur du travail s’assurera alors de l’absence de lien avec le mandat.

10. Informer le salarié de ses droits en matière de DIF et de la portabilité de la prévoyance

La rupture conventionnelle du contrat de travail n'entraînant pas, pour le salarié, la perte de son droit individuel à la formation, l'employeur a l'obligation de lui indiquer le nombre d'heures acquises à ce titre ainsi que leurs modalités d'utilisation30 .

Si l’employeur ne satisfait pas à cette obligation, le salarié peut demander le versement de dommages et intérêts pour défaut d’information.

Par ailleurs, le salarié doit être informé de la portabilité de ses droits santé et prévoyance, dans la limite de neuf mois pendant la période d'indemnisation par l'assurance chômage31.

Si cette information n'est pas donnée ou si elle l'est mais de manière tardive, à une date ne permettant pas au salarié de conserver cette garantie, ce dernier peut réclamer des dommages et intérêts32 . ------------------
1 C. trav., art. L. 1237-12
2 CA Reims, 9 mai 2012, n° 10/01501 ; CA Poitiers, 28 mars 2012, n° 10/02441 ; CA Lyon 23 septembre 2011 n° 10-09122
3 C. trav., art. L. 1237-14; Arr. 8 février 2012, NOR : ETST1204155A : JO, 17 févr. 2012
4 CA Paris, 13 déc. 2012, n0 09/11478
5 Cass. soc., 6 février 2013, n° 11-27.000
6 C. trav., art. L. 1237-14
7 C. trav., art. L. 1237-13
8 CA Lyon, 26 août 2011, n° 11-00551
9 C. trav., art. L. 1237-14
10 CA Nancy, 15 juin 2012, n° 11/02034
11 C. trav., art. L. 1237-11
12 C. civ., art. 1109
13 CA Reims, 16 mai 2012, n° 11-624 ; CA Versailles, 13 juin 2012, n° 10-5524
14 CA Lyon, 6 janvier 2012, n° 11/03228 ;  CA Agen, 2 octobre 2012, n° 11/02212
15 CA Angers, 20 décembre 2012, n° 10/02401
16 CA Riom, 3 janvier 2012, n° 10/02152
17 Cass. soc., 30 janvier 2013, n° 11-22.332
18 CA Poitiers, 26 septembre 2012, n° 11/01591
19 Cass. soc., 9 mars 2011, n° 10-11.581 ; CA Lyon, 11 janvier 2012, n° 10/08641
20 CA Aix-en-Provence, 3 avril 2012, n° 11/05043 ;  CA Montpellier, 22 février 2012, n° 11/01845
21 CA Bordeaux, 11 décembre 2012, n° 11/01258
22 CA Bourges, 9 nov. 2012, n° 11/01636
23 CA Poitiers, 28 mars 2012, n° 10/02441
24 Car l'employeur a non seulement violé la protection d'ordre public accordée aux salariés victimes d'une maladie professionnelle ou d'un accident du travail, mais il s'est également rendu coupable d'une discrimination fondée sur l'état de santé du salarié.
25 CA Rennes, 23 mars 2012, n° 10/06873
26 CA Nîmes, 12 juin 2012, n° 11/00120
27 C. trav., art. L. 1237-13 al. 1 ; Avenant n° 4 du 18 mai 2009 à l'article 12-a de l'ANI du 11 janvier 2008
28 CA Montpellier, 28 novembre 2012, n° 11/06816 ; CA Poitiers, 28 mars 2012, n° 10/02441
29 Circulaire DGT 07/2012 du 30 juillet 2012 relative aux décisions administratives en matière de rupture ou de transfert du contrat de travail des salariés protégés
30 C. trav., art. L. 6323-17 ; CA Riom, 3 janvier 2012, n° 10-02152
31 ANI du 11 janvier 2008, art. 14
32 CA Bordeaux, 22 mai 2012, n° 11/05856