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< Droit à la preuve face à la protection des données personnelles : peut-on tout utiliser comme moyen de preuve ?
25.12.2023 15:23 Il y a: 364 days
Categorie: Données - Bases de données – RGPD / DPO - Big Data et intelligence artificielle, Droit Social, Contentieux prud'homal et licenciements , Droit pénal du travail , Relations individuelles et contrat de travail, Veille Juridique
Auteur : France CHARRUYER, avocat associé

Droit à la preuve face à la protection des données personnelles : peut-on tout utiliser comme moyen de preuve ?

Épisode 2 : Production des bulletins de paie (2/3)


 

La question s’est dernièrement posée à l’occasion d’un litige dans lequel les juges du fond avaient, sur le fondement de l’article 145 du Code de procédure civile, ordonné à un employeur de communiquer à une salariée les bulletins de salaires d'autres salariés placés dans une situation identique.

 

Dans la droite ligne de sa jurisprudence antérieure, la Haute juridiction continue de faire application du principe de proportionnalitéen mettant en balance le droit au respect de la vie privée et le droit à la preuve[1].

 

Ainsi, le fait que des bulletins de paie comprennent des données personnelles, telles que l'âge, le salaire, l'adresse personnelle, la domiciliation bancaire, l'existence d'arrêts de travail pour maladie ou encore de saisies sur rémunération, n’empêche pas les juges du fond d’ordonner leur production !

 

Ils doivent seulement rechercher si la communication des informations non anonymisées est nécessaire l'exercice du droit à la preuve du demandeur et proportionnée au but poursuivi[2].

 

La CJUE permet, elle aussi, une atteinte à la protection des données sur le fondement du droit à la preuve du salarié. La présence de données personnelles au sein d’éléments de preuve n’empêche pas leur production dès lors que la divulgation des données est adéquate et pertinente, que l’objectif poursuivi par la divulgation ne peut être atteint par un moyen moins intrusif et que la juridiction nationale envisage des mesures supplémentaires en matière de protection, telles que la pseudonymisation[3].

 

En somme, si vous refusez dans un premier temps de transmettre des bulletins de paie conformément aux règles de protection des données découlant du RGPD, le juge peut néanmoins vous ordonner de les fournir dans le cadre d’un litige initié par un salarié exerçant son droit à la preuve, à charge pour vous d’occulter les données à caractère personnel non nécessaires à la solution du litige, afin d’éviter tout contentieux avec l’un des salariés concernés.

 

Nos avocats sont à votre disposition pour répondre à toutes vos questions en matière de droit social.

 

Retrouvez notre précédent article sur le sujet en cliquant sur ce lien.

 

L’équipe RH/ DATA

 


[1] Cass. soc., 8 mars 2023, pourvoi n° 21-12.492, publié au Bulletin

[2] Cass. soc., 16 mars 2021, pourvoi n° 19-21.063, publié au Bulletin

[3] CJUE, 2 mars 2023, n° C‑268/21