< Requalification du CDD conclu dans l’attente du recrutement d’un salarié en CDI
03.03.2020 17:08 Il y a: 5 yrs
Categorie: Droit Social
Auteur : Agathe BAILLET, Avocat
Prise d’acte : des manquements persistant depuis 20 ans peuvent justifier la rupture aux torts de l’employeur
Depuis une série d’arrêts de 2014
(Cass. soc., 26 mars 2014 n°12-23.634 et 12-35.040), marquant un revirement de jurisprudence, la prise d’acte de la rupture du contrat de travail aux torts de l’employeur ne produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse que si les manquements de l'employeur
sont suffisamment gravespour empêcher la poursuite de la relation de travail, ce qui, en principe, ne peut pas être le cas de manquements anciens.
Les juges apprécient ainsi le délai entre les manquements reprochés à l’employeur et la date de la prise d’acte, pour déterminer la gravité des faits et juger s’ils empêchaient ou non la poursuite de la relation de travail.
Néanmoins, l’absence de réaction d’un salarié face aux manquements de l’employeur, pendant une certaine période, ne fait pas produire automatiquement à la prise d’acte les effets d’une démission : les juges doivent
apprécier leur réalité et leur gravité, afin de déterminer s’ils étaient de nature à empêcher la poursuite de la relation de travail.
Dans cet arrêt, la Cour de cassation approuve la Cour d’appel de Toulouse qui a fait droit à la demande du salarié de requalification de son départ à la retraite en prise d’acte produisant les effets d’un licenciement nul, après avoir relevé qu’il avait fait l’objet
« pendant 20 ans d'actes d'intimidation, d'humiliations, de menaces, d'une surcharge de travail et d'une dégradation de ses conditions de travail, de nature à affecter sa santé, constitutifs de harcèlement moral l'ayant conduit à l'épuisement et à l'obligation de demander sa mise à la retraite, ainsi que d'une discrimination syndicale dans l'évolution de sa carrière et de sa rémunération », avant de juger que
« la persistance de ces manquements rendait impossible la poursuite du contrat de travail ». (Cass. soc., 15 janvier 2020, n°18-23.417)La persistance des manquements, constitutifs de harcèlement moral et de discrimination syndicale, et leurs
conséquences sur l’état de santé, la carrière et la rémunération du salarié, ayant contraint le salarié à demander sa mise à la retraite, ont été retenues par la Cour d’appel comme justifiant l’impossibilité de poursuivre l’exécution du contrat de travail.