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03.03.2014 18:07

L'ouverture d'une procédure collective n'entraîne pas la fin des contrats...

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Cat: Droit des Affaires et de l'Entreprise, Contrats commerciaux et CGV , Recouvrement des créances et voies d'exécution, Droit des procédures collectives
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04.07.2013 11:51 Il y a: 11 yrs
Categorie: Propriété industrielle (Marques, Dessins et modèles), Les essentiels
Auteur : Me France Charruyer - Avocat Toulouse - Conseil et Contentieux

Non mais allo quoi..t'es un produit et t'as pas de marque ?


Le statut juridique du slogan « Allô, t'es une fille t'as pas de shampoing, c'est comme si t'es une fille, t'as pas de cheveux » de Nabilla interpelle, non pas du fait de la célébrité fumeuse de la candidate de téléréalité, ni même par ce qu’il révèle de la vacuité de notre civilisation, mais bien par la protection que le droit lui accorde.

Lipotevsky aurait apprécié cette nouvelle illustration de notre ère du vide, mais la propriété intellectuelle n’a ni âme ni conscience philosophique. Cynique, la propriété intellectuelle s’empare du slogan, aussi creux soit-il, pragmatique par essence : L'article L.711-1 du Code de la propriété intellectuelle définit la marque comme étant « un signe (...) servant à distinguer les produits ou les services d'une personne physique ou morale ».

Le slogan publicitaire est, dans cette même logique, protégeable à titre de marque. Il s'agit d'une catégorie particulière de signes distinctifs, qui entre dans la définition du Code de la propriété intellectuelle, en tant « qu'assemblage de mots » (Paris, 2 avril 2003, « dessine- moi un ... » ; PIBD 2003.III.477).
Mais il importe pour le déposant qui aspire à acquérir un droit de marque sur le signe déposé, de bien choisir les produits et services désignés par la demande d’enregistrement.

Quelle est la portée réelle de ce dépôt ?

Un monopole est conféré au titulaire de la marque, dès lors qu'elle est distinctive, licite et disponible, sans qu'il soit nécessaire d’apprécier son originalité, condition propre à la propriété littéraire et artistique.

L'intérêt de la marque réside dans ses fonctions d'identification et de représentation auprès du consommateur quant à l'origine et à l'identité du produit ou du service qu'elle vise. Elle doit permettre au consommateur de reconnaître un produit et de le différencier des produits de même nature concurrents... Au-delà, c'est aussi un instrument de communication des valeurs d'une entreprise représentées par le produit, qu'elle identifie comme sien.

La fonction publicitaire de la marque est économiquement primordiale.
Destiné à encourager la vente d'un produit, le slogan y est par la suite associé, et peut devenir par l’usage, consubstantiel du produit vanté. On citera l'exemple de « Nespresso, what else », ou du tout aussi fameux « Vous ne viendrez plus chez nous par hasard » du fameux groupe pétrolier, pour des services de vente de carburant.

Qu'en est il du dessein de déposer la demande d’enregistrement « Allô, t'es une fille t'as pas de shampoing, c'est comme si t'es une fille, t'as pas de cheveux », phrase prononcée par Nabilla volontairement ou non ?

Un candidat à un jeu de téléréalité peut parfaitement procéder au dépôt d’un tel slogan à titre de marque, constitué par un assemblage de mots prononcés au cours de l’émission, caractérisant par la suite semble- t-il ledit candidat.
Ce slogan sera vraisemblablement enregistré à titre de marque, certes, parce que présumé distinctif et disponible..., mais quel est le produit représenté et à qui s'adresse-t-il ?

Cette jeune fille a déposé sa demande d’enregistrement pour des produits relevant de plusieurs classes, tels que les bijoux, statuettes, vêtements, sous-vêtements, cartes de vœux et ....même les accessoires pour fumeurs, c’est dire.
Nabilla, finalement pourrait alors n’être qu’ un avatar télégénique à la Magritte , un plagiat moderne de son « Ceci n’est pas une pipe », décliné sous toutes ses formes et adapté à son public! La course à l’inanité et à la publicité bat son plein et pas seulement au sein des Anges de la téléréalité.

L’expression de Nabilla a en effet été déposée le même jour par son employeur/ producteur, la société de production parisienne La Grosse Équipe, qui s’est empressé de s’approprier l’exclamation de son sujet/salarié, sans aucun état d’âme. Cette société a en effet pris le soin d’un dépôt d’une demande d’enregistrement pour des produits beaucoup plus nombreux (mais toujours pas le shampoing...), ainsi que pour des services tels que les émissions de divertissement ou la publicité.

Cette demande d’enregistrement est antérieure à celle de la candidate, car si les dates de dépôt sont les mêmes, le numéro attribué par l'INPI à La Grosse Equipe est antérieur celui de sa protégée.

La société de production soucieuse de préserver ses profits sur les droits à venir d’une éventuelle biographie a aussi déposé "Allo Nabila la vraie vie de la famille Benattia".

A priori son contrat de travail devrait toutefois régler la question et prévoir les cessions de droit idoines... On n'est jamais trop prudent.
D’autres sociétés n’entendent cependant pas être en reste Allö? Allö!" ou Oasis dans T'es un fruit et t'as pas de pépins ?! Non mais à l'eau quoi !!!", ou IKEA avec son : "T’es une chaise et t’as pas de coussin".

Les deux phrases d'origine qui ont été déposées : "Allo non mais allo quoi", "allo quoi" et la phrase entière " Allo ! t'es une fille t'as pas de shampoing c'est comme si je dis t'es une fille t'as pas de cheveux" ont été suffisamment transformées pour ne pas encourir les foudres judiciaires du premier déposant..
Le recyclage des produits de la téléréalité envahit l’espace publicitaire et juridique, dans une triste et abrutissante comédie des apparences, ad nauseam.
Mais le droit est taquin et va encore plus loin. Nabilla, devenue muse malgré elle d'IKEA et d’OASIS pourrait- elle aussi protéger le fruit de ses exclamations détournées par le droit d'auteur ?

Et aux juristes de se plonger dans un débat glissant, et de tenter de prouver tant l'originalité de sa citation que de faire la démonstration de ce que ladite expression est bien l'empreinte de sa creuse mais décoiffante personnalité.
Nabilla serait sauvée par l'article L. 112-1 du Code de propriété intellectuelle qui ne prend pas en compte le mérite, ouf...

Devenue un produit autoproclamé à protéger auprès de l’INPI cette jeune fille pourrait même songer à déposer ses courbes à titre de dessins et modèles... pour désigner un shampoing, pourquoi pas ?
Elle garderait le mérite de sa fulgurance... et/ ou de son évanescence ..., sa marque de fabrique...