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04.07.2013 14:59 Il y a: 11 yrs
Categorie: Droit de la Propriété Intellectuelle
Auteur : France Charruyer - Avocat Toulouse - Conseil et Contentieux

Actualités jurisprudentielles en Droit de la Propriété Intellectuelle


Pas de protection pour les noms de domaine génériques ou descriptifs

L’enregistrement d’un nom de domaine constitué de termes descriptifs de son activité ne pourra pas être protégé contre un concurrent imitateur.

CA Bastia, 20 mars 2013

FAITS : une personne ayant enregistré le nom de domaine « mariagesencorse » a agi en concurrence déloyale contre la personne qui a enregistré quelques mois plus tard le nom de domaine « mariageencorse ».

DECISION : La Cour d’appel de Bastia a infirmé le jugement du Tribunal de commerce d’Ajaccio qui avait estimé que les faits étaient bien constitutifs de parasitisme et de concurrence déloyale et fait interdiction à la défenderesse d’utiliser le nom de domaine « mariageencorse ».
Selon la Cour d’appel, seul le titulaire d’un nom de domaine distinctif peut agir en concurrence déloyale.
Elle relève que le nom de domaine « mariagesencorse » est une juxtaposition d’un mot usuel et d’une provenance ou d’un lieu géographique. Par conséquent, bien qu’il puisse y avoir un risque de confusion entre les deux noms de domaines, les juges considèrent qu’il n’est pas possible de se prévaloir de la protection d’un nom de domaine si celui-ci est générique et descriptif de l’activité de la société qui l’exploite.

Tribunal de commerce de Paris, 24 mai 2013

FAITS : Une société de pompes funèbres, la société Le Passage, a enregistré le nom de domaine e-obseques.fr qu’elle utilise depuis avril 2011. En 2012, le service municipal de la ville de Paris ouvre un site à l’adresse i- obseques.fr. La société Le Passage agit en concurrence déloyale, estimant que le nom de domaine du service de la ville de Paris crée un risque de confusion avec le sien.

DECISION : Le Tribunal de commerce de Paris a débouté la société de pompes funèbres, au motif qu’elle a utilisé des « termes intégralement descriptifs ».

INTERET : Ces deux décisions font une application logique de la législation en matière de concurrence déloyale. La protection n’est accordée que lorsque l’entreprise dispose de signes ou de produits distinctifs, comme l’explique le Tribunal de commerce de Paris :
« compte tenu de leur choix, qui leur a évité les investissements indispensables pour donner une notoriété propre à une adresse internet non descriptive, Monsieur D. et la société Le Passage ne peuvent revendiquer une protection qui aboutirait à leur reconnaître un monopole d’utilisation d’un terme descriptif ».
Notre conseil : Faire preuve d’originalité et de distinctivité lors de l’enregistrement d’un nom de domaine, tout comme en matière de dépôt de marque.
Mais surtout, s’assurer de la disponibilité du nom de domaine qui ne doit pas faire obstacle à l’exercice d’un droit antérieur (article L. 711-4 du Code de Propriété Intellectuelle). Le dépôt simultané d’une marque et d’un nom de domaine reste le meilleur moyen de protéger votre signe distinctif. Nous vous incitons à vous adresser à un avocat spécialisé qui effectuera une recherche approfondie des antériorités du signe que vous souhaitez utiliser.

Le droit d’auteur l’emporte sur la liberté d’expression des photographes sur internet

CEDH, 10 janvier 2013, n°3679/08, Ashby Donald et autres c/ France

La Cour européenne des droits de l'Homme a eu l'occasion de se prononcer sur l'ingérence que peut subir la liberté d'expression des photographes en raison de l'existence de droits d'auteur sur l’œuvre photographiée.

FAITS : Des photos ont été prises lors de défilés de mode puis diffusées sur un site internet. La Fédération française de la Couture a alors assigné en contrefaçon les photographes auteurs des photos. Condamnés par la Cour d'appel et par la Cour de cassation, ceux-ci se tournent vers la CEDH en estimant que la diffusion de photographies sur internet relève de leur droit à la liberté d'expression, et que la condamnation dont ils ont fait l'objet constitue une atteinte disproportionnée à ce droit.

DECISION : La Cour considère que la publication des photos sur un site internet relève bien de la liberté d’expression. Cependant, elle précise que l'ingérence dans l'exercice de leur droit à la liberté d'expression visait la protection du droit d'auteur des créateurs des oeuvres présentées lors du défilé.

INTERET : Il n'y a pas d'atteinte disproportionnée à la liberté d'expression et donc pas de violation de l'article 10 de la Convention Européenne des droits de l'Homme lorsque la protection du droit d'auteur des créateurs des œuvres est mise en jeu.
Notre conseil : En matière de droit d’auteur, la protection d’une oeuvre n’est soumise à aucun dépôt préalable, elle existe du seul fait de sa création. Dans certains cas, il y a un intérêt évident à s’assurer une preuve de l’antériorité (Constat d’huissier, etc...)

S’agissant de la reproduction d’une œuvre protégée, il est toujours nécessaire de sécuriser toute les publications ou utilisations quelconques par la contractualisation de l’autorisation de l’auteur, de ses conditions et des droits cédés.

Rappel concernant la preuve de la titularité des droits d’auteur d’une personne morale

CA Paris, pôle 5, ch 2, 8 février 2013, 11/23196, Sté Lyda France c/ Sté Indiamo

La Cour d’appel de Paris a eu l’occasion de rappeler les conditions à satisfaire pour qu’une personne morale puisse bénéficier de la présomption de titularité des droits d’auteur.

FAITS : La société Lyda France commercialisait deux dessins représentant la tour Eiffel associée à une inscription évocatrice de Paris ou de la France. Elle s’est aperçue que la société Indiamo commercialisait des vêtements sur lesquels étaient reproduits les dessins en question. Elle assigne alors la société Indiamo en contrefaçon et concurrence déloyale.

DECISION : La Cour d’appel la déboute en précisant que, pour bénéficier de la présomption de titularité des droits, une personne morale doit « identifier précisément l’œuvre qu’elle revendique et justifier la date à laquelle elle a commencé à assurer la commercialisation » de l’œuvre. Les juges ajoutent que « si les actes d’exploitation propres à justifier l’application de cette présomption s’avèrent équivoques, elle doit préciser les conditions dans lesquelles elle est investie de droits patrimoniaux de l’auteur ».

INTÉRÊT: La cour considère que les factures produites ne sont pas suffisantes pour prouver l’exploitation des dessins. La présomption de titularité du droit d'auteur sur une oeuvre s’établit par la divulgation de l’œuvre sous son nom et en apportant la preuve de l'existence d'actes d'exploitation.

Notre conseil : Sécuriser les créations artistiques de l’entreprise en amont. Soit, si elles remplissent les conditions de nouveauté, par leur dépôt sur le registre des dessins et modèles de l’INPI, soit, en interne par la mise en place d’une traçabilité du travail effectué. La protection par le droit d’auteur est également envisageable, cette protection est soumise à la publication de l’œuvre en respectant le principe de paternité. Le nom de l’auteur devra être mentionné lors de son exploitation.

Dans tous les cas, il y a lieu de conserver tous les documents de travail et les documents contractuels liés à la création et à l’exploitation de l’œuvre. Concernant les créations de salarié et notamment lorsqu’un droit d’auteur est en jeu, il est pertinent de prévoir une cession des droits dans le contrat et de s’assurer du chemin créatif en interne, notamment lorsqu’il est collectif.