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04.07.2013 12:01 Il y a: 11 yrs
Categorie: Relations individuelles et contrat de travail
Auteur : Sébastien Mataly - Avocat Toulouse - Conseil et contentieux

Actualités jurisprudentielles en droit du travail


Une prime d’intéressement pour les ingénieurs en cas de création d’un moteur de recherche

Conseil d’Etat, 22 mai 2013, 4ème et 5ème sous-sections réunies

Le Conseil d’Etat a décidé que le CNRS devait verser une prime d’intéressement à ses salariés lorsqu’il exploite une base de données utilisant un moteur de recherche créé par ceux-ci dans le cadre de leurs fonctions.

FAITS : Un ingénieur de recherche avait conçu, dans le cadre de ses fonctions, un logiciel de moteur de recherche permettant d’accéder aux données numérisées du CNRS relatives à la langue française. Il n’a cependant pas reçu de prime d’intéressement, au motif que, seules les bases de données étaient exploitées.

DECISION : Le CE a décidé que lorsque qu’une personne publique, en l’espèce le CNRS, commercialise une base de données dont l’exploitation est subordonnée à l’utilisation d’un moteur de recherche, les produits tirés de cette commercialisation doivent être considérés comme étant également tirés de la commercialisation du moteur de recherche. Le CNRS doit donc verser une prime d’intéressement à l’ingénieur.

INTERET : Le CE éclaire un peu plus la notion d’exploitation d’un moteur de recherche, ce qui élargit le champ d’application de la prime d’intéressement au bénéfice des ingénieurs.

Notre conseil : Attention aux inventions de salarié ! Il est nécessaire, lors de la signature d’un contrat de travail, de prévoir l’ensemble des modalités de rémunération des inventions faites par celui-ci dans le cadre de l’exécution de ses fonctions effectives d’études et de recherche. Il s’agit, par la même occasion de sécuriser, en amont, la titularité des droits de propriété intellectuelle nés dans le cadre de l’activité de l’entreprise et, partant sa rémunération. La rédaction de cette clause est d’autant plus délicate qu’il convient là aussi de la confier à un avocat spécialisé en droit du travail ou en droit de la propriété intellectuelle.

Le salarié inventeur doit percevoir une rémunération supplémentaire, peu importe les conditions fixées par la convention collective

Cass. com., 12 février 2013, n° 12-12.898

FAITS : Un employeur refuse d’accorder
supplémentaire à son salarié inventeur, au motif qu’il ne remplit pas la double condition prévue par la convention collective pour le versement d’une telle rémunération.

DECISION : L’article 611-7 du Code de la propriété intellectuelle dispose que le salarié auteur d’une invention de mission doit bénéficier d’une rémunération supplémentaire. Les dispositions conventionnelles qui subordonnent le droit à cette rémunération au respect de plusieurs conditions sont donc contraires au texte légal, lequel est d’ordre public. Restreignant les droits que le salarié tient de la loi, elles doivent donc être réputées non écrites.

INTERET : Peu importe les dispositions conventionnelles ou contractuelles, le salarié auteur d’une invention de mission doit percevoir une rémunération supplémentaire. Les modalités de calcul de cette rémunération peuvent alors être déterminées dans une clause insérée au contrat de travail ou par la convention collective. Attention toutefois à la rédaction de cette clause, celle-ci pouvant être contestée par le salarié s’il s’avère qu’elle est de nature à diminuer la rémunération supplémentaire à laquelle il pourrait prétendre. C’est alors le juge qui évaluerait souverainement la rémunération à laquelle le salarié inventeur a droit.

La clé USB du salarié connectée à son ordinateur professionnel peut être librement consultée par l'employeur

Cass. soc., 12 février 2013, n° 11-28.649

FAITS : En l’absence d’une salariée, l’employeur contrôle le contenu de la clé USB qui se trouve connectée à l’ordinateur professionnel de celle-ci. Il découvre qu’y sont enregistrés des informations confidentielles concernant l’entreprise et des documents personnels de collègues et du dirigeant de l’entreprise. Il licencie alors la salariée pour faute grave.

DECISION : « Une clé USB, dès lors qu'elle est connectée à un outil informatique mis à la disposition du salarié par l'employeur pour l'exécution du contrat de travail, étant présumée utilisée à des fins professionnelles, l'employeur peut avoir accès aux fichiers non identifiés comme personnels qu'elle contient, hors la présence du salarié ».

INTERET : L’employeur pouvait déjà consulter librement les fichiers non identifiés comme personnels enregistrés sur l’ordinateur professionnel du salarié, ceux-ci étant présumés avoir un caractère professionnel. Il peut désormais contrôler, hors la présence du salarié, le contenu de la clé USB connectée à cet ordinateur, celle-ci n’étant qu’une extension du support de stockage de l’ordinateur. Attention, toutefois l’employeur devra solliciter la présence du salarié lorsque la clé USB sera seulement posée sur le bureau de ce dernier.

Les connexions Internet abusives pendant le temps de travail constituent une faute grave

Cass. soc., 26 février 2013, n° 11-27.372

FAITS : Une salariée est licenciée pour faute grave, après s’être connectée à plus de 10 000 reprises, en moins d'un mois, sur des sites extraprofessionnels. Elle conteste son licenciement au motif que l’employeur ne lui avait jamais fait connaitre l’étendue de ses missions et la nature des tâches lui incombant.

DECISION : « Malgré l'absence de définition précise du poste de la salariée, qu'une telle utilisation d'internet par celle-ci pendant son temps de travail présentait un caractère particulièrement abusif et constitutif d'une faute grave ».

INTERET : En vertu du respect de la vie privée du salarié au temps et au lieu de travail, l’employeur est tenu de tolérer les connexions Internet du salarié faites à des fins personnelles, à condition qu’elles restent raisonnables et licites. Par conséquent, dès lors que les connexions sont abusives, l’employeur peut sanctionner le salarié. Tel est le cas notamment en présence d’un nombre démesuré de connexions à des fins personnelles ou en raison de leur durée excessive, justifiant un licenciement pour faute grave.

Réseau social : même en présence d’insultes publiées en accès restreint, l’employeur peut assigner le salarié en paiement de dommages et intérêts

Cass. 1ère civ., 10 avril 2013, n° 11-19.530

FAITS : Un employeur assigne son ancienne salariée en paiement de dommages-intérêts pour avoir publié, en accès restreint sur divers réseaux sociaux (MSN et Facebook), des propos qu’il qualifie d’injures publiques.

DECISION: Les propos litigieux ont été diffusés sur les comptes de la salariée qui n’étaient accessibles qu'aux seules personnes agréées par l'intéressée, en nombre très restreint, qui formaient une communauté d'intérêts. Par conséquent, ces propos ne constituent pas des injures publiques.
Toutefois, il appartient à la Cour d’appel de rechercher si les propos litigieux peuvent être qualifiés d'injures non publiques.

INTERET : Dès lors que les insultes proférées par le salarié sont diffusées sur son compte dont l’accès est restreint, elles ne peuvent être considérées comme publiques. Elles ne permettent donc pas des poursuites sur le fondement du délit d’injures publiques. Pour autant, l’employeur n’est pas privé de toute action : il peut, en effet, engager des poursuites pour injures non publiques afin d’obtenir des dommages-intérêts ainsi que la condamnation du salarié à une peine d’amende de 38 €.

Le message vocal de l’employeur enregistré sur le répondeur du salarié est un mode de preuve valable

Cass. soc., 6 février 2013, n° 11-23.738

FAITS : Un salarié estimant avoir fait l’objet d’un licenciement verbal fait retranscrire par un huissier plusieurs messages vocaux laissés par son employeur sur son répondeur afin de les produire devant le Conseil de prud’hommes.

DECISION : « Si l'enregistrement d'une conversation téléphonique privée, effectué à l'insu de l'auteur des propos invoqués, est un procédé déloyal rendant irrecevable en justice la preuve ainsi obtenue, il n'en est pas de même de l'utilisation par le destinataire des messages téléphoniques vocaux dont l'auteur ne peut ignorer qu'ils sont enregistrés par l'appareil récepteur ».

INTERET :Afin d’établir le manquement de son employeur, le salarié peut valablement produire en justice un message vocal qu’il lui a laissé sur son répondeur. Il est donc indispensable que l’employeur prête une attention particulière au contenu et au ton employé dans les messages vocaux qu’il adresse à ses salariés. Inversement, il pourra utiliser le message vocal enregistré par un salarié sur son répondeur afin de démontrer la faute commise par celui-ci.

Rupture conventionnelle : la prévalence de la négociation sur l’existence d’un conflit

Cass. soc., 23 mai 2013, n°12-13.865, Sté Oriato avocats c/ Collet

FAITS : Une salariée reçoit de la part de son employeur une lettre formulant certains manquements professionnels qu'il estime susceptibles de justifier une mesure de licenciement. Il lui propose cependant de conclure une rupture conventionnelle de son contrat de travail, ce qu’elle accepte. La salariée demande ensuite la requalification de cette rupture en un licenciement sans cause réelle et sérieuse, au motif qu’au jour de la conclusion de la convention de rupture, il existait un différend sur l’exécution du contrat de travail.

DECISION : L’existence d’un conflit entre les parties au moment de la conclusion de la rupture conventionnelle n’affecte pas la validité de la convention de rupture.

INTERET : La Cour de cassation clarifie cette question qui divisait jusqu’à présent la doctrine et les juridictions du fond lesquelles requalifiaient en licenciement sans cause réelle et sérieuse les ruptures conventionnelles homologuées dès lors qu’un différend préalable existait entre les parties.
Reste que l’intégrité du consentement des parties doit être absolument garanti afin d’éviter toute requalification de la rupture en licenciement sans cause réelle et sérieuse, a fortiori lorsque un différend ou un désaccord compromet la poursuite de la relation de travail.

Notre conseil : On ne saurait trop conseiller, dans ce cas, de soumettre la poursuite de la procédure de rupture conventionnelle à une obligation d’assistance réciproque lors des entretiens et d’annexer aux documents remis à la DIRECCTE pour homologation, un procès- verbal de compte rendu des entretiens préalables à la rupture conventionnelle afin de ne pas s’exposer à ce que les juridictions puissent déduire que la convention de rupture a été signée sous la contrainte ou la pression et partant que le consentement du salarié a été vicié.