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26.01.2010 16:02 Il y a: 15 yrs
Categorie: Commerce électronique
Auteur : Me Nicolas Weissenbacher, Avocat à Bordeaux - Conseil & Contentieux
Adwords et contrefaçon: la balle dans le camp de la CJCE
Vous n'êtes pas sans savoir qu'Adwords est un logiciel de Google permettant aux annonceurs d'"acheter" des mots clefs de telle sorte que leurs annonces soient présentées aux internautes en liens commerciaux en réponse à la saisie desdits mots clefs.
La problématique en l’espèce est de savoir si les responsabilités de l’annonceur et de Google peuvent être retenues lorsqu’il est établi que la saisie d’une marque sur le moteur de recherche Google donne lieu à l’affichage d’annonces pour des sites proposant des produits identiques ou similaires à ceux couverts par cette marque.
Aux termes de l’arrêt en date du 12 novembre 2002 "Arsenal Football Club", la CJCE a pu décider que la «
marque enregistrée confère à son titulaire un droit exclusif. Ce doit exclusif habilite le titulaire à interdire à tout tiers, en l’absence de son consentement, de faire usage, dans la vie des affaires, d’un signe identique à la marque, pour des produits ou services identiques à ceux pour lesquels celle-ci est enregistrée. »L’usage du signe identique à la marque a bien lieu dans la vie des affaires, dès lors qu’il se situe dans le contexte d’une activité commerciale visant à un avantage économique et non dans le domaine privé. »
Ainsi, les termes de cet arrêt laissaient légitimement à penser que l’utilisation d’une marque d’un concurrent aux fins de référencer un site, entraîne la responsabilité de l’annonceur voire celle du moteur de recherche.
La question s’est posée à maintes reprises dans les prétoires donnant lieu à une jurisprudence dissonante.
Tant et si bien que trois affaires pendantes devant le Cour de cassation ont récemment fait l'objet de questions préjudicielles auprès de la CJCE.
Pour l'heure seules les conclusions de l’avocat général sont parues.
La CJCE ne s’est pas encore prononcée, ni la Cour de Cassation corrélativement.
La Cour de Cassation a posé différentes questions préjudicielles à la CJCE :
- Est-ce que le fait de permettre la sélection de mots clefs correspondant à des marques et à faire la publicité de sites proposant des produits identiques ou similaires à ceux couverts par ces marques porte atteinte à celles-ci ?
- Est-ce que le fait de sélectionner à des fins publicitaires un mot clef correspondant à une marque porte atteinte à celle-ci ?
- Est-ce que l’exonération de responsabilité en matière d’hébergement s’applique en l’espèce ?
En effet, la Cour de Cassation souhaite savoir notamment si la réservation par un opérateur économique, par voie de contrat de référencement payant sur Internet, d’un mot clef déclenchant en cas de requête utilisant ce mot, l’affichage d’un lien proposant de se connecter à un site exploité par cet opérateur afin d’offrir à la vente des produits ou services, et reproduisant ou imitant une marque enregistrée par un tiers afin de désigner des produits identiques ou similaires sans l’autorisation de cette marque, caractérise-t-elle en elle-même une atteinte au droit exclusif garanti à ce dernier par l’article 5 de la Première directive 89/104/CEE du Conseil, du 21 décembre 1988 ?
Dans la troisième demande formulée par la CJCE, il convient de noter que les annonceurs mis en cause gèrent des sites présentés comme concurrents de ceux titulaires des marques et que ces sites ne portent pas atteinte, en eux-mêmes aux marques.
De manière assez surprenante, les conclusions de l’avocat général sont les suivantes :
1 : Selon lui,
« la sélection par un opérateur économique, par voie de contrat de référencement payant sur Internet, d’un mot déclenchant, en cas de requête utilisant ce mot, l’affichage d’un lien proposant de se connecter à un site exploité par cet opérateur afin d’offrir à la vente des produits ou services(…) sans l’autorisation du titulaire de cette marque ne constitue pas en soi une atteinte au droit exclusif garanti par ce dernier »
2 :
« Un titulaire de marque ne peut pas interdire au prestataire d’un service de référencement payant de mettre à la disposition d’annonceurs des mots clefs reproduisant ou imitant des marques déposées ou d’organiser dans le cadre du contrat de référencement et l’affichage privilégié de liens publicitaires vers des sites sur la base de ces mots clefs »
3 : «
Le prestataire dudit service de référencement payant ne peut pas être considéré comme fournissant un service de la société de l’information consistant à stocker des informations fournies par le destinataire du service. »
En définitive, eu égard à cette réponse (très pro Google) de l'avocat général, la très prochaine décision de la CJCE, puis celles de la Cour de cassation sont attendues avec beaucoup d'impatience.