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Categorie: Droit des Affaires et de l'Entreprise, Les essentiels, Veille Juridique

Une directive relative à la protection de l'environnement par le droit pénal

Le Conseil de l'UE a adopté une directive relative à la protection de l'environnement par le droit pénal


La directive (UE) 2024/1203 du Parlement européen et du Conseil du 11 avril 2024 relative à la protection de l’environnement par le droit pénal et remplaçant les directives, 2008/99/CE et 2009/123/CE a été publiée au Journal officiel du 30 avril 2024, après un accord en trilogue des institutions européennes le 16 novembre 2023, puis son adoption formelle par le Parlement européen le 27 février dernier, et par le Conseil le 26 mars.

Elle établit, à l'échelle de l'UE, des règles minimales relatives à la définition des infractions pénales et des sanctions.

Le champ d’application de la directive :

  • Pour les infractions commises au sein de l'UE.
  • Toutefois, les États membres peuvent choisir d'étendre leur compétence aux infractions commises en dehors de leur territoire.

La raison d’une telle nouveauté : une insuffisance des dispositions antérieures :

La nouvelle directive remplace la directive antérieure, qui date de 2008¹.

Cette dernière est devenue obsolète compte tenu de l'évolution de la législation environnementale de l'UE.

À la suite d'une évaluation réalisée en 2019-2020, la Commission européenne a conclu que l'effet de la directive avait été limité pour plusieurs raisons :

  • le nombre d'affaires ayant fait l'objet d'une enquête ayant abouti et donnant lieu à une condamnation restait faible ;
  • les sanctions imposées étaient trop faibles pour être dissuasives ;

  • la coopération transfrontière n'avait pas été systématique.

En conséquence, le 15 décembre 2021, la Commission a présenté une proposition visant à améliorer l'efficacité de la directive, sur le fondement de la compétence pénale accessoire de l’UE².

  • L’analyse d’impact accompagnant cette proposition précise à cet égard que la criminalité environnementale représente le quatrième domaine d’activité criminelle le plus rentable au monde, avec un profit total estimé à environ 260 milliards de dollars par an.

Le contenu de la nouvelle directive :

  • une liste élargie des infractions qui passera de neuf à vingt. Parmi les nouvelles infractions figurent le trafic de bois, le recyclage illégal de composants polluants des navires et les infractions graves à la législation sur les produits chimiques.

    Sera également introduite une clause relative aux « infractions qualifiées » s’appliquant lorsqu'une infraction visée dans la directive est commise intentionnellement et entraîne la destruction de l' environnement ou des dommages irréversibles ou durables à celui-ci.

  • des peines et sanctions renforcées :

    • ▪  Les infractions intentionnelles qui sont à l'origine du décès d’une personne seront passibles d'une peine d'emprisonnement maximale d'au moins 10 ans (les États membres peuvent décider de prévoir des peines encore plus sévères dans leur législation nationale). Les autres infractions entraîneront une peine d'emprisonnement pouvant aller jusqu'à 5 ans. La peine d'emprisonnement maximale pour les infractions qualifiées sera d'au moins 8 ans.

    •  Pour les entreprises, les amendes s'élèveront, pour les infractions les plus graves, soit au moins à 5 % du chiffre d'affaires mondial total, soit à 40 M €. Pour toutes les autres infractions, l'amende maximale sera soit d'au moins 3 % du chiffre d'affaires, soit de 24 M €.

    • ▪  Les États membres devront veiller à ce que les personnes physiques et les entreprises puissent être sanctionnées par des mesures supplémentaires telles que l'obligation pour l'auteur de l'infraction de rétablir l'environnement ou d'indemniser les dommages, leur exclusion de l'accès au financement public ou le retrait de leurs permis ou autorisations.

      Cette législation améliorera les enquêtes et les poursuites en matière de criminalité environnementale.

Qu’est-ce qui va changer en droit français ?

«[La directive] ne constitue toutefois pas la révolution annoncée par certains (...). Et enfin, n'oublions pas que les directives doivent encore être transposées en droit français, aussi il appartiendra au législateur de se prononcer. Ce n'est pas pour demain, bien sûr, car ce droit pénal spécial de l'environnement, déjà fort mal écrit, ne se reformule pas de manière aussi aisée, en claquant des doigts ! » - Association française des magistrats pour la justice environnementale (AFMJE).

« Pour ne pas paraître très effectif, le droit pénal de l’environnement français n’en semble pas moins déjà conforme en grande partie au contenu de la future directive.

La France a déjà amorcé ce mouvement, essentiellement par l’entremise de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets (dite « Climat et résilience »). Tout en relevant le seuil de plusieurs sanctions, celle-ci a incriminé de façon inédite l’écocide ou le risque environnemental.

À cela s’ajoute la possibilité, depuis la loi n° 2020-1672 du 24 décembre 2020 relative au parquet européen, à la justice environnementale et à la justice pénale spécialisée, de recourir en la matière à une convention judiciaire d’intérêt public (CJIP) que les parquets ont déjà fortement mobilisée. À la fin, si l’on ne peut affirmer que le droit pénal de l’environnement s’avère, en France, pleinement effectif, un phénomène est en marche que concrétise en quelque sorte l’adoption d’une nouvelle directive. » - Guillaume Beaussonie.

Conclusion : Petit point sur l’écocide :

  • 29 mars 2023 : les eurodéputés adoptent à l’unanimité l’inscription de l’écocide dans le droit de l’Union européenne.

  • Position du Parlement européen arrêtée le 27 février 2024 qui fait demeurer l’écocide en tant que « surqualification » en raison de sa cause intentionnelle et de ses effets graves et durables plus qu’une infraction autonome.

¹ Directive 2008/99/CE du Parlement européen et du Conseil du 19 novembre 2008 relative à la protection de l’environnement par le droit pénal.

² Article 83 § 2 TFUE.