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18.03.2020 16:27 Il y a: 5 yrs
Categorie: Contrats commerciaux et CGV
Auteur : Les avocats du pôle Contrats

Quels outils pour gérer mes engagements contractuels en période de crise, Force majeure ou imprévision ?

Face à une situation généralisée telle que celle que nous connaissons, si l’heure est au confinement et à la préservation de soi et des autres, les entreprises sont contraintes à un fort ralentissement, voire un arrêt total de leur activité dont il convient de gérer les conséquences dès à présent.


Face à une situation généralisée telle que celle que nous connaissons, si l’heure est au confinement et à la préservation de soi et des autres, les entreprises sont contraintes à un fort ralentissement, voire un arrêt total de leur activité dont il convient de gérer les conséquences dès à présent.

Le droit français prévoit un certain nombre d’outils à la disposition des partenaires à un contrat afin de permettre la prise en compte d’impondérables sans que la responsabilité de l’un ou de l’autre ne soit engagée. La pandémie de Coronavirus (Covid-19) actuellement en cours se qualifie-t-elle comme un de ces impondérables ? 

Bruno LEMAIRE a d’ores et déjà fait savoir qu’il considérait le Coronavirus comme un cas de force majeure pour les contrats de droit public. Si cette annonce aura certainement un impact sur l’appréciation finale sur les contrats de droit privé, qu’en est-il techniquement ?

Pour répondre à cette question, il convient dans un premier temps de s’attacher au contrat qui a été conclu. En effet, au-delà du Code civil, les parties peuvent avoir convenu d’un régime spécifique, de force majeure ou d’imprévision.

Une ou plusieurs clauses pourront ainsi prévoir les conditions et modalités de suspension, résolution ou renégociation, de manière très complète ou s’appuyant sur le droit commun. L’heure est donc à la relecture du contrat, des conditions générales de vente, de prestation de service, d’abonnement ou d’achat applicables à la relation. Ce sont ainsi les critères qui ont été prévus qui viendront s’appliquer (ou non), selon ce que les parties ont convenu. Les parties peuvent d’ailleurs avoir convenu d’exclure certaines circonstances. Si le contrat reste muet (totalement ou partiellement) sur les cas d’exonération envisageables (ou les critères à appliquer), il conviendra alors que se reporter au droit commun, le Code civil. En ce qui concerne le premier outil fourni par le Code civil, l’article 1218 dispose : « Il y a force majeure en matière contractuelle lorsqu'un événement échappant au contrôle du débiteur, qui ne pouvait être raisonnablement prévu lors de la conclusion du contrat et dont les effets ne peuvent être évités par des mesures appropriées, empêche l'exécution de son obligation par le débiteur. Si l'empêchement est temporaire, l'exécution de l'obligation est suspendue à moins que le retard qui en résulterait ne justifie la résolution du contrat. Si l'empêchement est définitif, le contrat est résolu de plein droit et les parties sont libérées de leurs obligations dans les conditions prévues aux articles 1351 et 1351-1. » Deux critères principaux sont à relever : 

  • L’imprévisibilité : ce critère est à apprécier au jour de la conclusion du contrat. En l’occurrence, un contrat conclu alors que l’existence du Coronavirus était connue ne remplirait pas ce critère ;
  • L’irrésistibilité : s’il a pu être envisagé qu’un contournement de l’obstacle était possible lorsque l’épidémie était limitée en Chine, avec la possible solution alternative d’une fourniture, par exemple, auprès d’un opérateur situé sur un autre territoire, le confinement (partiel) imposé en France depuis le 17 mars rend désormais nombre de prestations impossibles (Hors télé-travail). Une appréciation au cas par cas devra en tout état de cause toujours être opérée, selon la prestation notamment.

Dans le cas où la force majeure viendrait à s’appliquer, il reste à déterminer si cela rend le contrat irrémédiablement impossible à exécuter ou s’il ce contexte n’occasionne qu’un retard. Dans le cas où la pandémie et les mesures prises pour tenter d’endiguer le phénomène rendrait l’exécution du contrat impossible ou causerait un retard trop important, le contrat sera résolu, sans faute de la partie empêchée.  La résolution entraîne le retour à la situation antérieure, et donc, par exemple, la restitution des sommes versées pour la prestation non-réalisée (Ceci est vrai dans un contexte professionnel, mais également personnel, en cas d’annulation de voyage par exemple). Si une exécution partielle est intervenue (sous réserve d’une prestation « utile » et non des préparatifs à l’obligation principale), le paiement partiel pourra être requis. Second outil du Code civil qui peut être mobilisé dans le contexte actuel : l’imprévision, nouvellement instaurée dans le code civil depuis 2016 (Les contrats antérieurs à 2016 ne peuvent donc y prétendre, sauf à avoir inclus une clause spécifique, souvent dénommée « Hardship »). Aux termes de l’article 1195 du Code civil : « Si un changement de circonstances imprévisible lors de la conclusion du contrat rend l'exécution excessivement onéreuse pour une partie qui n'avait pas accepté d'en assumer le risque, celle-ci peut demander une renégociation du contrat à son cocontractant. Elle continue à exécuter ses obligations durant la renégociation. En cas de refus ou d'échec de la renégociation, les parties peuvent convenir de la résolution du contrat, à la date et aux conditions qu'elles déterminent, ou demander d'un commun accord au juge de procéder à son adaptation. A défaut d'accord dans un délai raisonnable, le juge peut, à la demande d'une partie, réviser le contrat ou y mettre fin, à la date et aux conditions qu'il fixe. » La conséquence ici visée par le texte est une exécution rendue excessivement onéreuse et non, comme pour la force majeure, son impossibilité. Ce texte peut donc potentiellement être invoqué dans le cas où l’activité n’est pas totalement stoppée, mais les moyens à mettre en œuvre induisent une augmentation telle du coût de la prestation que l’équilibre du contrat est remis en cause. En pareille hypothèse, et si les parties n’ont pas renoncé ou aménagé les cas d’imprévision dans le contrat, le texte prévoit que les parties doivent revenir à la table des négociations pour régler, ensemble, la difficulté. En cas d’échec, la résolution amiable du contrat pourra être convenue, voire le juge saisi à cette fin. Il convient de noter que, pendant les négociations, les engagements persistent en l’état convenu à l’origine. Il est donc recommandé de ne pas tarder à contacter le partenaire, afin de réduire au maximum le temps pendant lequel la prestation est due dans les conditions (désormais devenues très onéreuses) antérieures.

➔ Dans un contexte de crise, il convient donc de reprendre le contrat et de mettre en œuvre les dispositions qui y sont, le cas échéant, prévues (Modalités d’information du partenaire, délais, etc.).Par ailleurs, il conviendra bien sûr de se ménager la preuve de la réalité des difficultés ou impossibilités rencontrées. Malgré le contexte, si la prestation reste possible dans les conditions initialement prévues, aucune exonération ne pourra être accordée. De façon générale, les partenaires doivent se rapprocher rapidement, dès lors que l’exécution du contrat conclu entre eux est remise en cause, en tout ou en partie. Dans un esprit de solidarité et de loyauté des relations commerciales, nul doute que des solutions puissent être trouvées pour que le partenariat conclu résiste au virus.  Les avocats du Pôle Contrat se tient à votre disposition pour vous assister dans vos démarches à cet égard. #covid-19