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03.03.2014 18:07

L'ouverture d'une procédure collective n'entraîne pas la fin des contrats...

En principe, et sauf exception, l'ouverture d'une procédure collective n'entraîne pas la fin des...


Cat: Droit des Affaires et de l'Entreprise, Contrats commerciaux et CGV , Recouvrement des créances et voies d'exécution, Droit des procédures collectives
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< La pénibilité s'anticipe : les obligations "prémonitoires" de l'employeur
22.07.2014 11:35 Il y a: 10 yrs
Categorie: Droit Social, Droit des Technologies Avancées
Auteur : Me Charruyer - Avocat Toulouse - Conseil et Contentieux

Au secours mon salarié surfe trop sur internet !


Comment encadrer l’utilisation d’Internet à des fins personnelles par les salariés ? De quel pouvoir de contrôle l’employeur dispose-t-il ? Sur quels éléments l’employeur peut-il s’appuyer pour prononcer une sanction ?

Tout salarié a droit au respect de sa vie privée, au temps et au lieu de travail.
L’employeur ne peut donc interdire de manière générale et absolue à ses salariés de se connecter à internet à des fins personnelles. Une telle interdiction serait, en effet, ni justifiée ni proportionnée.

• Quelles limites l’employeur peut-il apporter aux connections Internet de ses salariés ?

L’employeur doit faire preuve de tolérance concernant les connexions personnelles des salariés à Internet. Toutefois, ces connexions doivent rester raisonnables et ne pas perturber le bon fonctionnement du réseau et le travail des salariés.
Elles ne peuvent être ni abusives, ni permettre une correspondance ou un accès à un site illicite.

Précautions à prendre :
- fixer précisément les modalités d’utilisation du réseau dans une charte informatique qui rappellera notamment les textes légaux essentiels ;
- bloquer l’accès aux sites illégaux (de téléchargement, révisionnistes, pédophiles…) et « sensibles » (chat, réseaux sociaux…) ;
- sanctionner tout débordement, quelle que puisse être sa légèreté apparente lorsqu’il y a une déviance par rapport aux règles fixées.

• Quels contrôles des connexions l’employeur peut-il effectuer?

Les connexions établies par un salarié pendant son temps de travail, grâce à l'outil informatique mis à sa disposition par son employeur, pour l'exécution de son travail, sont présumées avoir un caractère professionnel, de sorte que l'employeur peut les rechercher aux fins de les identifier, hors de sa présence.

L'employeur peut donc librement contrôler l'historique des connexions du salarié.

• Comment  le caractère abusif des connexions s’apprécie-t-il ?

Celui-ci est notamment caractérisé par l’ampleur ou l’objet des connexions.

Nombre excessif de connexions :  Constitue une faute grave justifiant le licenciement d’une salariée, le fait qu’elle se soit connectée à plus de 10 000 reprises en moins d’un mois sur des sites extraprofessionnels, durant son temps de travail.
Les connexions quotidiennes et fréquentes à des sites extraprofessionnelles justifient le licenciement du salarié sans pour autant constituer une faute grave.

Durée excessive des connexions : Le fait que le salarié se connectait pendant 20% de son temps sur des sites extraprofessionnels justifie son licenciement pour cause réelle et sérieuse.

En revanche, le temps de consultation de ces sites évalué à une heure par semaine, sans être négligeable, ne peut être considéré comme déraisonnable et donc réellement abusif. Les faits reprochés au salarié ne sont alors pas suffisants pour justifier un licenciement.

Site pornographique : Le caractère abusif des connections à ces sites pourra être constaté en raison de :   
-  la durée excessive des connections, affectant le travail du salarié ;   
-  du comportement susceptible de porter atteinte à l’image de l’entreprise;   
-  la position hiérarchique du salarié accompagnée du caractère public, voire ostentatoire, de ses agissements ;   
-  la propagation d’un virus affectant le réseau informatique de l’entreprise.
Conseils : Insérer une clause dans la charte informatique interdisant :
- l’accès à des sites pornographiques ;
- l’utilisation de la messagerie professionnelle pour la réception et l’envoi de documents à caractères pornographiques ;
- la conservation de tels documents.Attention : cette interdiction portant atteinte aux droits et libertés individuelles des salariés, elle doit être proportionnée et justifiée, notamment par des raisons de sécurité du système informatique ou d’image de l’entreprise. La rédaction d’une telle clause permettra de sanctionner la violation de la réglementation interne par le salarié.

• L’employeur peut-il contrôler la messagerie professionnelle de ses salariés ?

Principe : Les courriels envoyés depuis la messagerie professionnelle du salarié sont présumés avoir un caractère professionnel : l’employeur peut donc librement les consulter.

Exceptions : Dès lors que la charte informatique ou le règlement intérieur prévoit des modalités de contrôle plus favorables au salarié, l’employeur est tenu de les respecter. A défaut, la preuve obtenue ne pourra être utilisée à l’appui d’une sanction du salarié.
Par ailleurs, l’accès aux messages électroniques du salarié est prohibé lorsque ce dernier les a identifiés comme personnels. Seule une autorisation du juge permet à l’employeur de les consulter.

L’employeur peut-il utiliser, dans le cadre d’une procédure disciplinaire, les courriels régulièrement consultés ?
- si le contenu du courriel est d’ordre professionnel : l’employeur peut fonder la sanction disciplinaire du salarié sur le courriel consulté ;
- si le contenu du courriel est d’ordre personnel : le courriel ne pourra fonder une sanction disciplinaire mais pourra constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement s’il crée un trouble objectif caractérisé au sein de l’entreprise.

• Quels risques l’employeur encourt-il du fait du comportement abusif de ses salariés ?

En tant que commettant,  il est responsable des dommages causés par ses préposés dans les fonctions auxquelles il les a employés. Aucune faute personnelle de sa part n’est requise pour que sa responsabilité puisse être engagée.Il peut ainsi engager sa responsabilité en matière notamment de diffamation, de concurrence déloyale ou encore de téléchargement illégal.

Afin de prémunir l’entreprise contre une quelconque sanction, il est conseillé de mettre en place des mesures de prévention contre le téléchargement illégal:
- s’équiper de moyens techniques de prévention des téléchargements (logiciels de filtrage…);
- mettre à jour la charte informatique pour l’adapter aux exigences de la loi HADOPI ;
- mettre à jour la déclaration CNIL pour pouvoir sanctionner un salarié qui enfreint la loi HADOPI (l’entreprise doit pouvoir identifier précisément le poste depuis lequel le téléchargement est intervenu).

A noter que le salarié ayant installé un logiciel permettant le téléchargement d’œuvres musicales à partir de l’adresse IP de l’entreprise commet une faute grave justifiant son licenciement.

• Un salarié peut-il se voir reprocher des propos tenus sur les réseaux sociaux en dehors de son temps et lieu de travail ?

Il convient, au préalable, de déterminer si les propos tenus relèvent de la sphère privée du salarié ou de la sphère publique, en se référant au critère du paramétrage du compte personnel.   

Accès limité aux seuls « amis » du salarié : les propos relèvent de sa vie privée. Ils ne peuvent donc faire l’objet d’un licenciement, sauf :   
▪    s’ils créent un trouble caractérisé et objectif au sein de l’entreprise, au regard de la finalité de celle-ci et des fonctions du salarié ;   
▪    ou s’ils caractérisent un manquement du salarié à son obligation de loyauté inhérente à son contrat de travail.   

Accès permis aux « amis de ses amis » : les propos relèvent de la sphère publique. L’employeur peut donc légitimement s’en prévaloir pour licencier le salarié qui fait un usage abusif de sa liberté d’expression en tenant des propos dénigrants, insultants ou critiques.

Cas particulier de Twitter : Les propos tenus par le salarié sont consultables par n’importe quel internaute, inscrit ou non sur le réseau social. Les tweets ont donc un caractère public et peuvent être utilisés par l’employeur à l’appui d’une sanction. Le nombre de « followers » peut s’avérer un facteur aggravant si le salarié est très suivi, ou exonératoire s’il est ignoré de la masse…

• Quelles actions l’employeur peut-il envisager à l’encontre du salarié ayant abusé de sa liberté  d’expression sur les réseaux sociaux ?

Sanction disciplinaire : L’employeur devra respecter la règle de la proportionnalité des sanctions et choisir une sanction adaptée aux faits reprochés.Poursuites pénales : Outre la sanction disciplinaire du salarié, l’employeur a la possibilité de déposer devant la juridiction pénale une plainte pour diffamation, injure (publique ou non publique) ou encore dénigrement.

Loyauté dans l’obtention de la preuve : La preuve de la faute du salarié ne peut être le résultat d’un piège, d’une ruse, d’un stratagème : elle doit avoir être obtenue de manière loyale et dans le respect des droits du salarié. A défaut, elle sera déclarée irrecevable et le licenciement prononcé sera alors dépourvu de cause réelle et sérieuse.
(1) Cass. soc., 2 octobre 2001, n° 99-42.942
(2) C. trav., art. L. 1121-1
(3) Cass. soc., 9 juillet 2008, n° 06-45.800
(4) CA Toulouse, 4 septembre 2003 ,n° 02-3683
(5) Cass. soc., 26 février 2013, n° 11-27.372
(6) CA Pau, 13 juin 2013, n° 11/02759
(7) CA Rennes, 20 novembre 2013, n° 12/03567
(8) CA Bordeaux, 15 janv. 2013, n° 11/02062
(9) Cass. soc., 21 sept. 2011, n° 10-14.869
(10) Cass. soc., 23 nov. 2011, n° 10-30.833
(11) Cass. soc., 10 mai 2012, n° 10-28.585
(12) Cass. soc., 10 mai 2012, n° 11-11.060
(13) Cass. soc., 18 octobre 2011, n° 10-25.706
(14) Cass. soc., 26 juin 2012, n° 11-15.310
(15) Cass. soc., 2 octobre 2001, n° 99-42.942
(16) C. procédure civile, art. 145
(17) Cass. soc. 2 février 2011 n° 09-72.449
(18) Cass. soc. 5 juillet 2011 n° 10-17.284
(19) C. civ., art. 1384 al 5  (20) CA Versailles, 31 mars 2011, n°09/00742(21) CA Reims, 9 juin 2010 n°09/03205, CPH Boulogne 19 nov. 2010, n° 09/00316, CA Besançon, 25 nov. 2011, n° 10/02642(22) Cass. soc., 15 décembre 2009, n° 07-44.264(23) Cass. 1ère civ. 10 avril 2013, n° 11-19.530 ; T. corr. Paris, 17e ch. Presse, 17 janvier 2012, aff. n° 1034008388(24) Cass. soc., 26 novembre 2002, n° 00-42.401