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< Au secours mon salarié surfe trop sur internet !
22.07.2014 12:31 Il y a: 10 yrs
Categorie: Droit Social, Droit des Technologies Avancées
Auteur : Me Charruyer - Avocat Toulouse - Conseil et Contentieux

Au secours mon salarié utilise trop son téléphone !


Comment encadrer l’utilisation par les salariés de leur téléphone à des fins personnelles au temps et lieu de travail ? De quel pouvoir de contrôle l’employeur dispose-t-il ? Quelles sanctions peut-il prononcer ?

Tout salarié a droit au respect de sa vie privée, au temps et au lieu de travail.

L’employeur ne peut donc interdire de manière générale et absolue à ses salariés d’utiliser leur téléphone, personnel ou professionnel, à des fins personnelles.
Une telle interdiction serait, en effet, ni justifiée ni proportionnée.

• Quelles limites l’employeur peut-il apporter à l’utilisation de son téléphone par le salarié ?

L’employeur doit tolérer l’usage par les salariés de leur téléphone personnel ou de leur téléphone professionnel à des fins personnelles.

Toutefois, cet usage doit rester raisonnable et ne doit engendrer des nuisances pour les autres salariés ou être préjudiciable à l’entreprise.

Le caractère raisonnable s’apprécie notamment par rapport au temps consacré par le salarié à l’utilisation personnelle de son téléphone.

Est ainsi abusif l’usage par le salarié du téléphone à des fins personnelles durant 11h et 15h sur deux mois consécutifs.

Une interdiction absolue de l’utilisation personnelle du téléphone pourra être prévue pour les seuls salariés occupant des postes particuliers, notamment des postes à hauts risques nécessitant une attention permanente et absolue du salarié.
Elle devra être inscrite dans le règlement intérieur de l’entreprise et pourra être mentionnée dans le contrat de travail des salariés concernés.

En revanche, est formellement prohibé l’usage frauduleux ou déloyal du téléphone par le salarié, tel que la prise de photos et vidéos à l’insu des personnes concernées ou le transfert sur le téléphone personnel des données contenues dans l’ordinateur professionnel.

• Quels contrôles peuvent être opérés sur le téléphone professionnel du salarié ?

L’utilisation du téléphone par le salarié devant rester raisonnable, l’employeur peut légitimement la contrôler.

Autocommutateur : Ce dispositif permet de mémoriser les numéros de téléphone composés sur chaque poste ainsi que divers éléments de la communication, tels que la date, l’heure, la durée et le coût des appels passés à partir de chaque poste.

Ce contrôle doit être réalisé dans des conditions propres à garantir le respect de la vie privée et des libertés des salariés.

Il est donc préconisé que, sur les factures détaillées des opérateurs de téléphone, les quatre derniers chiffres des numéros de téléphone soient occultés, les supérieurs hiérarchiques ne pouvant accéder aux numéros complets qu’en cas d’utilisation manifestement abusive du téléphone par un salarié.

Écoutes téléphoniques : Aucun dispositif d’écoute ou d’enregistrement permanent des conversations ne peut être mis en œuvre, sauf législation particulière l’imposant.

En outre, l’enregistrement des conversations téléphonique ne peut être réalisé qu’en cas de nécessité reconnue (ex : évaluation des salariés pour lesquels le téléphone est l’outil de travail principal ; preuve des ordres commerciaux dans des entreprises travaillant essentiellement par téléphone) et doit être proportionné aux objectifs poursuivis.

Le dispositif doit permettre aux salariés de neutraliser l’enregistrement pour les appels personnels ou de téléphoner avec un appareil non surveillé pour ce type d’appel.

Attention : Pour l’accomplissement de leur mission légale et la préservation de la confidentialité qui s’y attache, les salariés protégés investis d’un mandat électif ou syndical doivent pouvoir disposer sur leur lieu de travail d’un matériel ou procédé excluant l’interception de leurs communications téléphoniques et l’identification de leurs correspondants.

Quelles sont les modalités préalables à respecter ?
- information-consultation des représentants du personnel ;
- information des salariés et de leurs interlocuteurs ;
- déclaration auprès de la CNIL.

Remarque : la durée de conservation des données ne doit pas excéder un an (6 mois pour les enregistrements réalisés à des fins de formation).

Attention : L'écoute d'une communication téléphonique réalisée par une partie à l'insu de son auteur constitue un procédé déloyal rendant irrecevable sa production à titre de preuve.

• Le contrôle du téléphone personnel du salarié est-il possible ?

L’employeur ne peut contrôler l’utilisation par le salarié de son téléphone personnel, dans la mesure où il demeure la propriété du salarié.

Toutefois, dès lors que le salarié l’utilise à des fins professionnelles, il semblerait que l’employeur puisse accéder, hors présence du salarié, aux fichiers non identifiés comme personnels, contenus dans le téléphone qui serait connecté par câble USB à l’ordinateur professionnel ou dont la fonction « enregistrement » serait activée.

• Quelles sanctions peuvent être prononcées par l’employeur ?

Au préalable, il est judicieux de prévoir, dans le règlement intérieur, une sanction de l’utilisation personnelle abusive du téléphone professionnel. Il convient ensuite de proportionner la sanction à la faute reprochée (notamment en fonction du temps consacré à l’usage personnel du téléphone) et de respecter l’échelle des sanctions.

Ainsi, une salariée qui utilise son téléphone professionnel à des fins personnelles à hauteur de 11h et 15h sur deux mois consécutifs pourra valablement être licenciée, si elle a déjà reçu un avertissement antérieur. Toutefois, celui-ci ne pourra être fondé sur une faute grave.

En revanche, un chauffeur pourra être licencié pour faute grave, après avoir envoyé un SMS toutes les 7 minutes à ses contacts personnels, dès lors que ce comportement n’est pas isolé et contraires aux consignes de sécurité remises.

(1) Cass. soc., 2 octobre 2001, n° 99-42.942
(2) C. trav., art. L. 1121-1
(3) CA Versailles, 17 novembre 2009, n°09-00.689
(4) Cass. soc., 4 avril 2012, n° 10-20.845 ; Cass. soc., 6 avril 2004, n° 02-40.498
(5) Cass. soc. 16 décembre 2008, n° 07-43.993
(6) Cass. soc. 12 février 2013 n° 11-28.649
(7) Cass. soc., 23 mai 2012, n° 10-23.521
(8) CA  Versailles ,17 novembre 2009, n°09-00689
(9) CA Nancy, 14 novembre 2012, n° 12/00388