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27.12.2021 09:36 Age: 3 yrs
Category: Droit Social, Veille Juridique

OBLIGATION VACCINALE : UNE JURISPRUDENCE CACOPHONIQUE SUR LES DROITS DES SALARIÉS EN ARRÊT MALADIE


Depuis le mois de septembre dernier, l’obligation vaccinale s’applique au personnel soignant et l’idée de son élargissement aux autres professions, bien que rejetée par le Sénat, plane dans tous les esprits. Il est donc plus que jamais nécessaire de s’interroger sur l’impact de cette obligation sur les contrats de travail.

 

Pour rappel, l’obligation vaccinale a été instituée pour certains salariés, agents de la fonction publique et professionnels par l’article 12 de la loi du 5 août 2021 relative à la gestion de la crise sanitaire et le décret du 7 aout 2021 modifiant le décret du 1er juin 2021 prescrivant les mesures générales nécessaires à la gestion de la sortie de la crise sanitaire.

 

Selon ces textes, sont soumis à l’obligation vaccinale (ou de présentation d’un certificat de rétablissement) :

  • les salariés ou agents publics travaillant dans les établissements de santé, sociaux et médicaux-sociaux,
  • les professionnels de santé, les professions paramédicales ou ayant un contact avec des personnes à risque (pompiers, ambulanciers…)

 

Lorsqu’elle s’applique, cette obligation s’impose de droit aux salariés sans qu’il soit nécessaire de modifier leur contrat de travail ou leurs conventions collectives applicables.

 

L’obligation vaccinale contre la Covid-19 prenant place dans une certaine urgence du fait de la crise sanitaire, le législateur a aménagé les conséquences juridiques du refus des salariés ne souhaitant pas satisfaire à l’obligation vaccinale : leur contrat de travail est suspendu.

 

Il s’agit d’un cas de suspension du contrat sui generis qui tend, en théorie, à protéger la relation contractuelle. En pratique, cependant, il met en grande difficulté les salariés, privés de rémunération, et les employeurs, privés pendant une durée indéterminée d’une partie de leurs effectifs.

 

En outre, une zone d’ombre demeure : cette obligation a-t-elle un effet sur les contrats de travail déjà suspendus en raison d’une maladie professionnelle ou non professionnelle ?

 

De nombreux salariés concernés par cette problématique ont saisi les tribunaux administratifs. Et malheureusement, la jurisprudence du fond est très peu homogène sur le sujet.

 

Ainsi, dans une décision du 11 octobre 2021, le tribunal administratif de Besançon[1] a jugé que si la loi ne fait pas elle-même « obstacle à l’application, pour les fonctionnaires bénéficiant d’un congé maladie, d’une législation spécifique subordonnant le maintien de leurs droits, et en particulier de leur droit à rémunération [ celle-ci ne prévoit pas pour autant] de distinction, s’agissant de l’obligation vaccinale qu’elle édicte, selon que les fonctionnaires concernés seraient, ou non, en congé maladie ».

 

De même, le tribunal administratif de Toulouse[2] a récemment décidé que le placement d’un agent public en congé de maladie ne l’exonère pas de son obligation vaccinale, de sorte qu’en l’absence d’une telle vaccination, son contrat est suspendu avec absence de rémunération.

 

Une telle position, assez dure pour les salariés récalcitrants, semble associer la vaccination à la fonction exercée et non à son exercice. Peu importe que le salarié exerce ou pas ses fonctions, il est tenu par l’obligation vaccinale.

 

Une telle vision, très théorique, s’appuie sans doute sur l’assimilation de l’arrêt maladie à du temps de travail effectif. Ainsi, la vaccination étant obligatoire pour le travail réellement effectué, elle l’est aussi pour les périodes assimilées.

 

Dans cette veine et concernant l’articulation entre l’obligation vaccinale et l’exercice de la liberté syndicale, le tribunal administratif de Bordeaux[3] a jugé que la suspension du contrat d’un agent de la fonction publique, non vacciné, détenant un mandat syndical, privant ce dernier du droit d’assister à la réunion du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail, ne constitue pas une atteinte manifestement illégale à la liberté syndicale.

 

A l’inverse, certains tribunaux ont adopté une vision plus pragmatique de l’obligation vaccinale et ont annulé la suspension du contrat de travail de certains salariés en arrêt maladie.

 

C’est le cas du tribunal administratif de Cergy-Pontoise[4], de Melun[5], de Nancy[6], de Grenoble [7] et de Rennes[8].

 

Selon ces juridictions, les salariés préalablement en arrêt maladie, ne peuvent voir leur contrat suspendu pour non-respect de l’obligation vaccinale. L’arrêt de travail étant un droit pour le salarié malade, aucune rémunération ne peut lui être retirée du fait de circonstances postérieures à la cause de l’arrêt.

 

C’est également la position adoptée par le défenseur des droits dans sa décision-cadre n°2021-291.

 

Selon lui, « les agents en arrêt de travail n’ont pas à être suspendus de leurs fonctions pour non-respect de l’obligation vaccinale, dès lors qu’ils ne sont pas susceptibles de faire naître un risque sanitaire lié à la présence de l’agent sur le lieu de travail ».

 

Une telle vision semble davantage en adéquation avec l’objectif du législateur : limiter la propagation de la Covid-19 et protéger les personnes vulnérables, ceci dans un contexte où il n’existe pas encore d’obligation vaccinale générale.

 

En tout état de cause, autant de divergences au sein des tribunaux créent une importante insécurité juridique. La position du Conseil d’État est ainsi particulièrement attendue, dans le contexte d’une crise qui se prolonge et au vu du projet de loi de transformation du passe sanitaire en passe vaccinal, prochainement présenté aux parlementaires.

LE PÔLE SOCIAL 

 

Dans le cadre de son activité le cabinet d’avocats ALTIJ vous accompagne dans l’ensemble de vos problématiques relatives au droit social et vous assiste dans toutes vos démarches grâce à sa connaissance du secteur, de ses enjeux et de ses contraintes. 

[1] TA Besançon, 11 octobre 2021, n°2101694

[2] TA Toulouse, 22 octobre 2021, n°2105971

[3] TA Bordeaux, 29 septembre 2021 n° 2104958

[4] TA de Cergy-Pontoise, 4 octobre 2021, n° 2111794

[5] TA Melun, 21 octobre 2021, n° 2109122

[6] TA Nancy, 21 octobre 2021, n° 2106636

[7] TA Grenoble, 26 octobre 2021, n°2106636

[8] TA Rennes, 28 octobre 2021 n° 2105126