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07.10.2020 11:02 Age: 4 yrs
Category: Corporate, M&A et restructuring, Immobilier et Construction
By: Sylvain Favier

NU-PROPRIETAIRE OU USUFRUITIER, QUI DÉCLARE L'IMPÔT SUR LA FORTUNE?


L’impôt sur la fortune immobilière a rendu plus complexes les modalités de déclaration des biens dont la propriété est démembrée, avec d'importantes conséquences pour les veufs ou veuves et leurs enfants. Des règles qui doivent aussi être maîtrisées par les investisseurs.

impôt sur la for tune immobilière (IFI), qui remplace l’impôt de solidaritésur la fortune (ISF), aapporté son lot de nouveautés. Un des changements les plus notablesest la règle d’imposition en pré sence d’un démembrement depropriété. Opportunité fiscale etjuridique pour certains, ce régime tout particulier doit attirer l’attention des contribuables pour éviter des omissions déclaratives.

 

LES SOURCES DU DÉMEMBREMENT

Le démembrement de propriété naît du partage juridique de lapleine propriété d’un bien, entre l’usufruit et la nue-propriété. Le détenteur de l’usufruit (l’usufruitier) peut jouir du bien, l’habiter, le mettre en location et en percevoirles revenus, mais il ne peut pas décider seul de le vendre ou de ledonner. Le détenteur de la nue-propriété (le nu-propriétaire) a, lui, la « propriété des murs », sans pouvoir matériellement utiliser lebien. Le démembrement peut naître de plusieurs situations, qu’il faut distinguer pour déterminerqui, de l'usufruitier ou du nu-pro-priétaire, déclare le bien à l’IFL


• AU DÉCÈS D’UN ÉPOUX

Si le couple a uniquement desenfants communs, au décès d'undes époux, la loi permet au conjoint survivant d’opter pour l’usufruit de la succession du défunt (usufruit légal). Il peut aussi devenir usufruitier grâce à une donation au dernier vivant ou à un testament à son profit.

• À LA SUITE D’UN ACHAT

On peut acquérir seulement lanue-propriété ou l’usufruit d’un bien ou encore acheter un nouveau bien en démembrement lorsqu’on réinvestit le prix de vente d’un bien dont la propriété était déjà démembrée (remploi).

• APRÈS UNE DONATION

Une donation d’usufruit tempo raire (usufruit donné pour une durée limitée), un legs d’usufruit ou une donation de la nue-pro priété avec réserve d’usufruit (par exemple, des parents qui font une donation à leurs enfants) peuvent aussi créer ex nihilo le démembrement de propriété.


• LORS D’UNE VENTE EN VIAGER

Le vendeur du bien, le crédit-ren tier, peut se réserver un droit d’usufruit sur le bien.

 

PRINCIPE ET TROIS EXCEPTIONS

Le principe, énoncé à l’article 968 du code général des impôts (CGI) veut que ce soit l’usufruitier qui soit imposé à l’IFI pour la pleine propriété. Les biens entrant dans l’assiette de l’IFI grevés d’un usufruit, d’un droit d’habitation ou d’un droit d’usage sont imposables pour leur valeur en pleine pro priété dans le patrimoine de l'usu fruitier ou du titulaire du droit d’usage. Le nu-propriétaire n’a donc pas, en principe, àfaire entrer dans sa base imposable à l’IFI les biens dont il détient la nue-propriété. Mais ce principe connaît des exceptions. Ainsi, à la condition que l’usufruit ne soit ni vendu, ni cédé à titre gratuit (c’est-à-dire donné) par son titulaire, l’imposi tion sera répartie entre l’usufruitier et le ou les nus-propriétaires dans trois cas.


• L’USUFRUIT LÉGAL DU CONJOINT SURVIVANT

Le conjoint survivant ne déclare que la valeur de l’usufruit s’il a opté pour l’usufruit de la succession de son époux comme le lui permet la loi (art. 757du code civil ou art. 767 du même code qui s’appliquait avant la loi n0 2001-1135 du3.12.01 ayant réformé les droits du conjoint survivant). Le ou les nus-proprié taires déclarent de leur côté la valeur de la nue-propriété qu’ils possèdent s’ils sont redevables de l’IFI (voir l’encadré ci-dessus).

Exemple : une veuve de 75 ans possède une résidence principale d’une valeur d’un million d’euros. Une moitié lui appartient en pleine propriété (sa part du bien acheté en commun avec son époux) et elle a hérité de l’usufruit de l’autre moitié. Ses deux enfants ont hérité de la nue-propriété. Les droits de la veuve sont valorisés pour l’IFI à 650 000 € :

- 500 000 € pour la moitié en pleine propriété ;

- 150 000 € pour l’usufruit (500 000 € x 30 %). Après déduc tion de l’abattement de 30 % dont elle bénéficie sur sa résidence principale, elle déclare 455 000 € (650000 €-195 000 €).

La valeur de la nue-propriété de chaque enfant est évaluée à 175 000 € (500 000 € x 70 % 11). Les enfants ne bénéficient pas de l’abattement de 30 % sur la résidence principale de l’usufruitier, s’ils n’y habitent pas eux-mêmes. En revanche, ils peuvent déduire de leur patrimoine imposable les droits de succession qu’ils doivent s’ils en ont différé le paiement, mais seulement à hauteur de la fraction de la valeur imposable des biens dont ils ont hérité (BOI-PA T-IFI-20-40-10, §140). Seuls sont concernés par cette répartition, les usufruits dits «légaux». Si l’usufruit résulte d’une donation entre époux, d’un legs ou de donation d'un bien dont le donateur a conservé l’usufruit, c’est l'usufruitier (le plus souvent le conjoint survivant ou les parents donateurs) qui déclare la pleine propriété du bien à l’IFI. Sans pou voir pratiquer de décote du fait du démembrement.

 

LES STRATEGIES PERMETTANT DE RÉDUIRE L'IFI DOIVENT SE JUSTIFIER PAR DES MOTIFS PATRIMONIAUX

• LA VENTE DE LA NUE-PROPRIÉTÉ À UN TIERS

L’imposition est aussi ventilée lorsque le démembrement de propriété résulte de la vente d’un bien dont le vendeur s’est réservé l’usufruit À condition que l’acquéreur de la nue-propriété ne soit pas l’un des présomptifs héritiers (personnes qui hériteraient si le ven deur décédait) ou descendants du vendeur (même exclus par testament), un de ses donataires (béné ficiaires de donation) ou légataires (bénéficiaires d’un legs), même si le testament est postérieur, ou, enfin, une personne considérée comme interposée selon l’article 751 du CGI (père, mère, enfant et descendant ou époux).


• LES LIBÉRALITÉS À UNE ENTITÉ PUBLIQUE

Enfin, l’imposition est ventilée lorsque l’usufruit a été réservé par le donateur d’un bien donné ou légué à l’État, un département, une commune ou un syndicat de communes, un établissement public national à caractère admi- nistratif ou une association reconnue d’utilité publique.

 

LES STRATEGIES D’OPTIMISATION

Selon ses objectifs et sa situation patrimoniale, il est possible d’optimiser son IFI en tirantpartide ces règles. Pour éviter qu’à son décès ses enfants supportent, pour la part de leur nue-propriété, l’imposi tion à l’IFI du patrimoine dont ils ont hérité, on peut écarter la répartition automatique de l’IFI en organisant la transmission de l’usufruit à son conjoint survi vant par un legs ou une donation au dernier vivant.


Pour abaisser sa pression fiscale, on peut réduire la base taxa ble de son IFI en donnant l’usu fruit temporaire à un tiers ou à un de ses enfants qui ne fait pas partie de son foyer fiscal. L’usufrui tier temporaire devra alors déclarer la valeur de la pleine propriété du bien éligible à l’IFI, ce qui per mettra au contribuable nu-pro- priétaire de réduire sa base d’imposition. Il est important de préciser qu’à l’aune du nouvel abus de droit fiscal qui proscrit les stratégies quand elles ont pour motif principal d’éluder ou d’atténuer les charges fiscales de l’intéressé, il faut veiller à ce que ces stratégies soient justifiées par des motifs patrimoniaux, non exclusivement fiscaux. La dona tion temporaire de l’usufruit d’un portefeuille de titres ou d’un bien locatif à un enfant peut ainsi être motivée par la volonté de lui assurer un revenu régulier pendant ses études. Elle serait, en revanche, plus difficile à justifier si l’enfant était financièrement indépendant.


Pour limiter le patrimoinetaxable à l’IFI, on peut aussi acheter la nue-propriété d’un logement neuf dont l’usufruit est acquis par un bailleur social

(société de HLM...). Dans cette hypothèse, le nu-propriétaire n’a rien à déclarer à 1TFI. En revan che, si on se porte acquéreur de la nue-propriété d’un bien auprès d’un vendeur qui s’en réserve l’usufruit, il faut déclarer la valeur de cette nue-propriété dans son patrimoine taxable.