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18.07.2014 23:44 Age: 10 yrs
Category: Droit Social
By: Me Mataly - Avocat Toulouse - Corporate

La pénibilité s'anticipe : les obligations "prémonitoires" de l'employeur


En application de la loi du 20 janvier 2014 garantissant l’avenir et la justice du système de retraites, l’employeur sera tenu, à compter du 1er janvier 2015, d’établir, pour tout salarié exposé au-delà d’un certain seuil à des facteurs de pénibilité, une fiche mentionnant les conditions, les périodes d’exposition et les mesures de prévention mises en œuvre. Dans l’attente de la parution du décret fixant ces seuils d’exposition, celle-ci pouvant intervenir postérieurement au 1er janvier 2015, il appartient à l’employeur  d’élaborer cette fiche pour tout salarié exposé à des facteurs de pénibilité, sans considération d’un quelconque seuil d’exposition (C. trav., art. L. 4121-3-1). Cette fiche de prévention des expositions vient compléter le Document unique d’évaluation des risques (DUER) qui existe d’ores et déjà au sein de l’entreprise. Outre qu’elle est obligatoire, la mise en place de cette fiche s’avère indispensable afin de prévenir tout éventuel contentieux relatif à une prétendue violation de l’obligation de sécurité de résultat qui  incombe à l’employeur et à l’existence d’une faute inexcusable de sa part.

1.     Salariés concernés

Les salariés visés par la mise en place de cette fiche sont ceux exposés à un ou plusieurs facteurs de risques professionnels liés à des contraintes physiques marquées, à un environnement physique agressif ou à certains rythmes de travail susceptibles de laisser des traces durables, identifiables et irréversibles sur la santé (C. trav., art. L. 4121-3-1). Plus précisément, ces facteurs sont (C. trav., art. D. 4121-5):
  • Concernant les contraintes physiques marquées :
    • les manutentions manuelles de charges ;
    • les postures pénibles définies comme positions forcées des articulations ;
    • les vibrations mécaniques
  • Concernant l’environnement physique agressif :
    • les agents chimiques dangereux, y compris les poussières et les fumées ;
    • les agents cancérogènes, mutagènes ou toxiques pour la reproduction ;
    • les températures extrêmes ;
    • le bruit ;
  • Concernant les rythmes de travail :
    • le travail de nuit ;
    • le travail en équipes successives alternantes ;
    • le travail répétitif caractérisé par la répétition d'un même geste, à une cadence contrainte, imposée ou non par le déplacement automatique d'une pièce ou par la rémunération à la pièce, avec un temps de cycle défini. 
 Le Code du travail n’inclut pas les risques psychosociaux et s’en tient uniquement aux contraintes physiques, à l’environnement physique agressif et aux rythmes de travail.

2.     Contenu de la fiche & mise à jour

Cette fiche doit mentionner (C. trav., art. R. 4412-110):
  • La nature du travail réalisé, les caractéristiques des matériaux et appareils en cause, les périodes d’exposition et les autres risques ou nuisances d’origine chimique, physique ou biologique du poste de travail ; 
  • Les dates et les résultats des contrôles de l’exposition au poste de travail ainsi que la durée et l’importance des expositions accidentelles ; 
  • Les procédés de travail utilisés ; 
  • Les équipements de protection collective et individuelle utilisés.
Elle doit également préciser les conditions habituelles d’exposition, appréciées notamment à partir du document unique d’évaluation des risques, ainsi que les événements particuliers survenus ayant eu pour effet d’augmenter l’exposition. Pour cette période d'augmentation de l'exposition, doivent être précisées la période au cours de laquelle cette exposition est survenue ainsi que les mesures de prévention, organisationnelles, collectives ou individuelles, mises en œuvre pour faire disparaître ou réduire les facteurs de risques durant cette période (C. trav., art. D. 4121-6). La fiche de prévention des expositions à certains facteurs de risques professionnels doit être mise à jour lors de toute modification des conditions d'exposition pouvant avoir un impact sur la santé du travailleur. Cette mise à jour prend en compte l'évolution des connaissances sur les produits et méthodes utilisés et conserve les mentions relatives aux conditions antérieures d'exposition (C. trav., art. D. 4121-7). Il convient également de mentionner les incidents et expositions survenus sur le poste de travail. Le défaut d’élaboration de cette fiche de prévention des expositions est sanctionné par l'amende prévue pour les contraventions de la cinquième classe, soit 1 500 euros, appliquée autant de fois qu’il y a de salariés concernés par l’infraction (C. trav., art. R. 4741-1-1).  A noter que le défaut d’actualisation de cette fiche est lui aussi sanctionné par l'amende prévue pour les contraventions de la cinquième classe, soit 1 500 euros, appliquée autant de fois qu’il y a de salariés concernés par l’infraction (C. trav., art. R. 4741-1-1).

3.     Communication de la fiche

Cette fiche est individuelle et strictement confidentielle (C. trav., art. L. 4121-3-1). Elle ne peut donc ni être accessible aux membres du CHSCT ni être communiquée à un autre employeur après duquel le salarié sollicite un emploi. En revanche, elle doit être communiquée au service de santé au travail, qui la transmet au médecin du travail. Elle complète ainsi le dossier médical en santé au travail de chaque salarié (C. trav., art. L. 4121-3-1 et D. 4121-7). Par ailleurs, il vous appartient de la tenir à disposition des salariés concernés et de leur en remettre une copie en cas de (C. trav., art. L. 4121-3-1 et D. 4121-8):
  • Départ de l’entreprise ;
  • Arrêt de travail d’au moins 30 jours consécutif à un accident du travail ou une maladie professionnelle et d’au moins 3 mois dans les autres cas ;
  • Déclaration de maladie professionnelle.
A noter qu’en cas de décès du salarié, ses ayants droit peuvent obtenir une copie de la fiche (C. trav. art. L 4121-3-1).

4.     Compte personnel de prévention de la pénibilité

A compter du 1er janvier 2015 – sous réserve de la publication du décret fixant les seuils d’exposition aux facteurs de pénibilité – un compte personnel de prévention de la pénibilité devra être mis en place pour permettre au salarié exposé à ces facteurs d'accumuler des points afin de suivre une formation ou de passer à temps partiel avec maintien de la rémunération (LOI n° 2014-40 du 20 janvier 2014, art.10 à 15). Le financement de ce compte reposera sur deux nouvelles cotisations patronales :
  • Une cotisation de base, due par les employeurs au titre des salariés entrant dans le champ d’application du compte personnel de prévention de la pénibilité. Son taux sera fixé par décret dans la limite de 0,2% des rémunérations de ces salariés.
  • Une cotisation additionnelle, due par les employeurs ayant effectivement exposé au moins un de leurs salariés à la pénibilité. Son taux sera fixé par décret et sera compris entre 0,3% et 0,8% des rémunérations perçues par les salariés effectivement exposés à un seul facteur de pénibilité, et entre 0,6% et 1,6% des rémunérations des salariés exposés simultanément à plusieurs facteurs de pénibilité.