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09.06.2009 12:11 Age: 15 yrs
Category: Relations individuelles et contrat de travail
By: Me France Charruyer, Avocate à Toulouse - Conseil & Contentieux

Le télétravail

Vers l’âge d’or du télétravail


L’essor des nouvelles technologies de l’information et de la communication ( les « NTIC » ), et notamment d’Internet, favorise la prolifération de diverses solutions de travail à distance.
Le télétravail ne constitue pas un statut propre à certains salariés ni même un régime juridique autonome ou distinct.
Il s’agit d’une nouvelle forme d’organisation du travail source de nombreuses interrogations juridiques.

En premier lieu, elle bouleverse la sacro-sainte journée de travail dans son modèle ancestral, calqué sur la construction dramatique d’une tragédie grecque qui est l’unité de temps, de lieu et d’action. Mais cette nouvelle forme d’organisation du travail ne libère pas pour autant le salarié qui demeure, bien qu’éloigné physiquement de son employeur ou de ses supérieurs hiérarchiques, « à la disposition de l’employeur » au sens du Code du travail et au sens, notamment, des dispositions sur le temps de travail.
On peut affirmer sans peur d’entendre la vox populi crier au fou que les nouvelles technologies permettent un contrôle de l’activité des salariés plus efficace que la simple surveillance par la présence physique qui est trop souvent inadaptée à la société de l’information. Je n’apprendrai à personne qu’entre être sur son lieu de travail et être productif, il y a parfois un fossé des plus grands.
La dématérialisation de l’économie a pour corollaire que la présence physique de beaucoup de salariés sur leur lieu de travail n’est d’aucune utilité, sauf participation à la terrible « réunion ».
Il faut distinguer :
- Le télétravail en télécentre ou télécottage ou téléspace ou centre de proximité ou bureau de voisinage, lequel se définit comme un local situé près du domicile des salariés afin de rapprocher le travail de ceux-ci, 

- Le télétravail dit « nomade » défini par la réponse ministérielle du 12 juin 2000 comme celui « pratiqué par des personnes dont l’activité nécessite de nombreux déplacements et qui, grâce aux moyens de communications électroniques, peuvent rester en contact avec leur entreprise »,

- Le télétravail salarié à domicile qui constitue le mode d’organisation du travail à la fois le plus controversé et celui qui semble promis au développement le plus important.

Le télétravail à domicile est souvent présenté comme un mode d’organisation du travail permettant d’améliorer notablement les conditions de travail et de vie de nombreux salariés, notamment par :
- la suppression de la perte de temps, de la fatigue et du stress liés au trajet domicile/travail,
- une meilleure gestion de l’emploi du temps,
- la possibilité de se domicilier hors des centres urbains pour profiter d’un cadre plus reposant,

- souvent un meilleur équilibre entre vie professionnelle et vie de famille,
- une responsabilisation accrue conduisant à une meilleure satisfaction, mais également parfois à une « densification » du travail.

Les entreprises sont sensibles, quant à elles, à la possibilité de faire des économies de loyer, de réduire l’absentéisme ainsi que les difficultés liées au transfert de sièges ou déménagements et, d’augmenter le rendement de salariés plus responsables et moins fatigués.



Définition
Le télétravail salarié peut être défini comme l’exécution, de manière régulière, d’un travail commandé par l’employeur, hors des murs de l’entreprise qui l’emploie et de la présence physique des personnes chargées de contrôler sa production et ce par la réception et l’envoi régulier de données au moyen de l’outil informatique et des nouvelles technologies de la communication.
Le salarié est-il, selon la définition légale du temps de travail, « à la disposition de son employeur en devant se conformer à ses directives » ou peut-il, à l’inverse « vaquer librement à ses occupations personnelles » (Article L. 212-4 du Code du travail) ?
Accord-cadre sur le télétravail
La Commission européenne avait invité les partenaires sociaux à engager des négociations sur le télétravail. C'est ainsi que les représentants des employeurs (UNICE, Union des Confédérations de l'Industrie et des Employeurs d'Europe / UEAPME, Union Européenne de l'Artisanat et des Petites et Moyennes Entreprises, et la CEEP, Centre Européen des Entreprises à participation publique et des entreprises d'intérêt économique général) et la confédération européenne des syndicats (CES) ont signé, le 16 juillet 2002, un accord-cadre sur le télétravail (www.telecom.gouv.fr). Ce texte « a pour objet d'établir un cadre général au niveau européen à mettre en oeuvre par les organisations membres des parties signataires » dans les trois ans suivant sa signature.
Trois mois avant la date limite de transposition de l’accord-cadre européen sur le télétravail, les organisations syndicales françaises sont parvenues à un accord national interprofessionnel sur le télétravail. Cet accord paritaire, qui est la première transposition par négociation collective d’un accord européen, veut être une traduction concrète de l’approche nouvelle du dialogue social.

Le préambule de l’accord national interprofessionnel sur le télétravail spécifie explicitement les buts recherchés. Il y apparaît que le télétravail constitue à la fois un moyen pour les entreprises de moderniser l’organisation du travail et un moyen pour les salariés de concilier vie professionnelle et vie sociale et de leur donner une plus grande autonomie dans l’accomplissement de leurs tâches.

Le statut du télétravailleur

L’accord décrypte l’activité et les travailleurs concernés explicitement par les notions de télétravail et de télétravailleur.

Il définit le télétravail comme une forme d’organisation et/ou de réalisation du travail, utilisant les technologies de l’information dans le cadre d’un contrat de travail et dans laquelle un travail, qui aurait également pu être réalisé dans les locaux de l’employeur, est effectué hors de ces locaux de façon régulière.

L'accord pose un certain nombre de principes, dont le caractère volontaire du télétravail, la nécessité de définir les horaires et le contrôle du travail, les modalités d'assurance et d'aménagement à domicile, la prise en charge des frais professionnels.

Il reconnaît au salarié un « droit de retour » pouvant être exercé pendant une certaine période afin de réintégrer les locaux de l'entreprise, soit à sa demande, soit à celle de son employeur (parfois dénommé « clause de réversibilité »).

Enfin, des temps de rencontre entre le salarié et sa communauté de travail devraient être prévus.

En d’autres termes, il reprend l’accord-cadre européen en précisant que le télétravailleur :
• bénéficie d’un contrat de travail ;
• inclut a priori les salariés nomades dont il reviendra néanmoins au niveau de chaque branche ou de chaque entreprise de spécifier ce qui est du nomadisme pour les salariés en activité à l’extérieur du site de leur entreprise.

Les conditions d’emploi et de travail du télétravailleur

L’accord national indique conformément à l’accord-cadre européen que les télétravailleurs bénéficient des mêmes droits, avantages légaux et conventionnels que ceux applicables aux salariés en situation comparable travaillant dans les locaux de l’entreprise tout en n’excluant pas des aménagements supplémentaires.

Par ailleurs, l’accord préconise d’encadrer les modalités d’usage des outils utilisés par le télétravailleur dans le cadre professionnel. Il fait référence au respect des prescriptions édictées (TN0307103S) par le Conseil national de l’informatique et des libertés (CNIL).

Ainsi, l’accord stipule que l’employeur est tenu de respecter la vie privée du télétravailleur et qu’il est arrêté les plages horaires de travail en concertation avec le salarié. De même, il prévoit que le télétravailleur gère l’organisation de son temps de travail dans le cadre de la législation et des conventions collectives et règles d’entreprise applicable. La surveillance et le contrôle sont possibles selon des modalités préalables d’information et de consultation du Comité d’entreprise ou à défaut des délégués du personnel.

L’employeur est tenu de s’assurer que le salarié est bien doté des outils informatiques, des installations et des fournitures nécessaires à son activité. Il doit sinon les lui fournir ainsi que prendre les dispositions d’assistance, d’assurance et de maintenance dès lors que le salarié, tout en prenant bien soin des équipements mis à son service, a exprimé le besoin d’y recourir.

Sur les droits collectifs, la formation professionnelle continue, la santé et la sécurité au travail, l’accord indique que l’ensemble des dispositions légales et conventionnelles prévues pour tout salarié est applicable aux télétravailleurs.

De plus, il mentionne que l’employeur, les représentants du personnel compétents en matière d’hygiène et de sécurité et les autorités administratives compétentes ont accès au lieu de télétravail suivant les modalités prévues.

L'inspecteur du travail peut notamment contrôler l'hygiène et la sécurité du local de travail, ainsi que la durée du travail. Matériellement, ce contrôle effectué au domicile du salarié peut poser deux problèmes. D'une part, l'éloignement du domicile du salarié compliquera et alourdira la tâche de l'inspecteur territorialement compétent. D'autre part, la pénétration de celui-ci au domicile du télétravailleur sera une intrusion dans la vie privée du salarié, à moins qu'une pièce autonome ait été aménagée à cet effet.

La difficulté du contrôle est ici d'autant plus préoccupante que les normes d'hygiène et de sécurité risquent de ne pas être respectées. Le poste de travail du télétravailleur à domicile ne sera pas forcément équipé de façon adéquate (lumière, position de l'écran, du clavier, ventilation, humidité, extincteur incendie). La présence d'animaux ou d'enfants peut entraîner des accidents. La visite médicale obligatoire pourrait être « oubliée ».

Les télétravailleurs bénéficient des mêmes droits syndicaux que les autres salariés. Ils sont donc éligibles et participent aux élections des Institutions représentatives du personnel (IRP) en étant identifiés sur le registre unique du personnel comme des télétravailleurs.


Calcul de la durée du travail et de la rémunération

Le télétravailleur salarié doit se voir appliquer le droit commun. Mais le calcul de la durée du travail repose traditionnellement sur la présence physique du salarié, qu'il est aisé de quantifier. La mesure du temps de travail d'un télétravailleur est plus complexe : comment calculer le temps de travail, mais aussi les temps d'astreinte ou les heures supplémentaires ? Comment appliquer les dispositions relatives au repos quotidien de 11 heures consécutives (Code du travail, article L. 220-1) et au repos hebdomadaire de 35 heures (combinaison des articles L. 221-4 et L. 220-1) ? La difficulté de décompter les heures rejaillira sur le calcul de la rémunération.

La CNIL relève que cette mesure est techniquement réalisable grâce aux logiciels de gestion du travail de groupe : « L'activité d'un salarié peut être suivie très finement, en temps réel, par l'intermédiaire d'un logiciel de work-flow ». Mais « on pourrait aboutir (...) à un profilage implicite de l'activité des salariés ». Ainsi, en cas de connexion permanente avec le serveur de l'entreprise, le décompte du temps de connexion couplé avec un tel logiciel de productivité pourrait être une base de calcul.

À défaut, la solution du forfait horaire ou du forfait en jours évitera au mieux les conflits.


Travailleurs nomades et localisation géographique

Pour les travailleurs nomades, le respect des dispositions relatives au temps de travail est particulièrement délicat, spécialement s'ils sont presque toujours « connectés » à leur employeur par leur téléphone portable.

Les débats sur le « droit à la déconnexion » et la « laisse électronique », soit notamment le téléphone portable, prennent ici tout leur sens. La Cour de cassation y semble d'ailleurs sensible. Elle vient de juger, en faveur d'un salarié, que « le fait de n'avoir pu être joint en dehors des horaires de travail sur son téléphone portable personnel est dépourvu de caractère fautif, et ne permet donc pas de justifier un licenciement disciplinaire » (Cour de cassation, chambre sociale, 17 février 2004).

Les travailleurs nomades sont également particulièrement concernés par le développement de la géolocalisation des salariés : GPS pour les véhicules, mais aussi GSM pour les téléphones portables. La CNIL a attiré l'attention sur ses dangers dans ses fiches « Informatique et libertés ».

Divers textes s’appliquent. La légalité de telles pratiques est en effet suspecte. Au premier chef, on pense nécessairement aux articles L. 120-2 du Code du travail et 9 du Code civil. Une liberté fondamentale, la vie privée du salarié, est en effet en jeu (prolongée par sa liberté d'aller et venir).

L'article 9 du Nouveau Code de procédure civile s'applique également : la géolocalisation ne pourrait servir de preuve à l'insu du salarié.

En outre, même si le salarié a été informé de l'existence d'un tel contrôle, sans doute pourrait-on considérer que la preuve est illicite, en assimilant la surveillance par GPS/GSM à une filature, qui « implique nécessairement une atteinte à la vie privée » du salarié (Cour de cassation, chambre sociale 26 novembre 2002). Évoquant cette jurisprudence, la CNIL estime ainsi que « la surveillance systématique des déplacements des salariés via la mise en oeuvre d'un dispositif GPS/GSM pourrait être assimilée par les juridictions compétentes à une filature électronique et constituer ainsi une atteinte à la vie privée de ces derniers, susceptible de ne pouvoir être justifiée, eu égard à son caractère disproportionné, par les intérêts légitimes de l'employeur ».


Confidentialité

Une interdiction d'utilisation par les tiers du matériel informatique confié au salarié peut permettre de garantir la confidentialité du travail. Des obligations techniques de sécurité peuvent également être contractuellement prévues à cet effet (concernant les disques de sauvegarde et l'ordinateur notamment).


Remboursement des frais professionnels

Selon la chambre sociale, « le contrat ne peut faire supporter par le salarié les frais engagés par celui-ci pour les besoins de son activité professionnelle » (Cour de cassation, chambre sociale, 9 janvier 2001). Le contrat doit donc prévoir une clé de répartition de la prise en charge des frais. La clause relative au remboursement des frais professionnels engagés par le télétravail devra être soigneusement rédigée, car les dépenses peuvent être considérables.

Par France Charruyer