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14.01.2015 14:32 Age: 10 yrs
Category: Droit Social, Informatique, libertés et vie privée
By: Me Charruyer - Avocat Toulouse - Conseil et Contentieux

Le droit à la déconnexion des salariés


« Comme tout commence en ce monde et tout finit ailleurs », avec les NTIC, tout commence au travail et se poursuit dans la vie privée... Tous connectés, tous surveillés ?  Le lien de subordination fait place à la laisse électronique. Les Technologies Avancées permettent voire encouragent une disponibilité permanente du salarié, rendant plus perméable encore la frontière entre la vie professionnelle et la vie personnelle. C’est la raison pour laquelle certains syndicats réclament aujourd’hui la mise en œuvre, au sein de chaque entreprise d’une négociation obligatoire relative à l’utilisation des outils numériques ainsi que l’interdiction que le salarié puisse être « récepteur d’une sollicitation professionnelle durant ses temps de repos ». Non seulement ces heures de travail réalisées sur le temps personnel du salarié ne sont pas décomptées et donc non rémunérées, mais surtout elles empiètent sur le repos minimum quotidien ou hebdomadaire dont il doit bénéficier. 1 / Comment s’assurer du respect des règles légales en matière de  temps de repos  et plus largement de santé et sécurité des salariés ? 2/ Comment dans ces conditions gérer et s’assurer du contrôle du temps de travail effectif ? 3/ Comment concilier les impératifs antagoniques de réactivité, intérêt de l’entreprise à l’heure de la globalisation et du tout internet avec le nécessaire  respect de la vie privée des salariés, et la préservation de leur santé au travail ?Protection de la santé des salariés : durée maximale de travail et repos minimal obligatoireAfin de protéger la santé des travailleurs, les dispositions légales fixent les durées quotidienne et hebdomadaire maximales de travail, ainsi que les durées minimales de repos dont ils doivent bénéficier. Ainsi, sauf dérogation, un salarié ne peut travailler plus de 10 heures chaque jour . Il ne pourra, par ailleurs, travailler plus de 48 heures au cours d’une même semaine , ni plus de 44 heures par semaine sur une période quelconque de 12 semaines consécutives . En outre, chaque salarié doit bénéficier d’un repos quotidien d’une durée minimale de 11 heures consécutives  et de 24 heures consécutives chaque semaine .Or, l’utilisation accrue des NTIC dans la relation de travail permet à la vie professionnelle du salarié de prendre le pas sur sa vie personnelle : depuis son domicile ou dans les transports, le salarié accède en quelques secondes à ses courriels professionnels et demeure joignable où qu’il se trouve. Il reste ainsi, au cours de son temps de repos, à la disposition de son employeur et continue à exécuter sa prestation de travail. Apparaissent alors de nombreuses situations de stress et de « burn out » chez les salariés, qui ne bénéficient en réalité jamais des 11 heures consécutives de repos quotidien ou des 24 heures de repos hebdomadaire imposées par le Code du travail. Or, le non-respect par l’employeur des dispositions légales relatives aux durées maximales de travail et minimales de repos constitue une contravention de 4e classe sanctionnée par une amende de 750 euros au plus, appliquée autant de fois qu’il y a de salariés concernés. Plus important encore, l’employeur est tenu d’une obligation de sécurité de résultat  à l’égard de ses salariés. Il lui appartient alors de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs . Le salarié dont l’état de santé se serait dégradé en raison du comportement fautif de l’employeur, qui le sollicite continuellement durant son temps de repos, pourrait alors demander la résiliation judiciaire de son contrat de travail, en raison du manquement de l’employeur à son obligation de sécurité de résultat, mais également en raison des nombreuses heures supplémentaires réalisées restées impayées . L’émergence d’un droit à la déconnexion Soucieuses de la santé de leurs salariés et désirant améliorer la qualité de vie au travail, certaines entreprises se sont, depuis quelques années, engagées par voie conventionnelle à une utilisation maitrisée des NTIC, mettant en place un « droit à la déconnexion » au profit de leurs salariés. Ainsi, la société AREVA  a mis en place un système de coresponsabilité des salariés et de l’employeur, exigeant de chaque salarié qu’il veille à se déconnecter du réseau et à ne pas envoyer de courriel en dehors des heures habituelles de travail, tout en prévoyant un suivi spécifique et régulier des flux de courriels et de leur répartition temporelle par l’employeur. Plus radicales, les sociétés VOLKSWAGEN et REUNICA  ont, quant à elles, prévu la fermeture complète du serveur informatique des messageries électroniques en dehors des horaires de travail : les salariés ne peuvent donc plus recevoir aucun courriel durant leurs périodes de repos quotidien et hebdomadaire. L’accord collectif de la société REUNICA précise, par ailleurs, qu’un salarié n’a pas à envoyer de courriels durant une période de suspension de son contrat de travail (congés payés, RTT, maladie, etc.), ni à répondre aux courriels d’un collègue en congés, RTT ou arrêt de travail. La société THALES  va plus loin en prévoyant, outre un droit à la déconnexion pendant la durée légale de repos, l’attribution d’une note aux salariés relative à l’utilisation des NTIC, ainsi que des actions de formation et de sensibilisation dispensées à la fois aux salariés et aux managers. 
  • FORFAIT-JOURS : L’exigence de protection de la santé du salarié conduit la Cour de cassation à contrôler de manière stricte les dispositions des conventions collectives encadrant la conclusion une convention de forfait annuel en jours. Pour être valable, la Cour de cassation considère que toute convention de forfait-jours doit résulter d’une convention collective ou d’un accord collectif qui garantisse notamment le respect des durées maximales de travailet des repos journaliers et hebdomadaires, le suivi et le contrôle de l’amplitude des journées de travail, une charge de travail raisonnable et une protection de la santé et de la sécurité du salarié.
C’est ainsi qu’elle a invalidé les dispositions de nombreuses conventions collectives nationales, qu’elle a considéré insuffisamment protectrices de la santé des salariés . Les conventions de forfait conclues en application de ces dispositions sont, par conséquent, nulles et ouvrent droit à un rappel de salaire au titre des heures supplémentaires effectuées. Afin de sécuriser les dispositions invalidées de la convention collective SYNTEC, les partenaires sociaux de la branche ont conclu, le 1er avril 2014, un avenant prévoyant notamment que « l’effectivité du respect par le salarié des durées minimales de repos implique pour ce dernier une obligation de déconnexion des outils de communication à distance ». Le droit à la déconnexion est ainsi consacré, pour la première fois, à un niveau supérieur à celui de l’entreprise : la branche professionnelle.