La demande d’enregistrement d’un signe similaire à une marque antérieure, indépendamment de toute autre utilisation de ce signe, peut-elle constituer un acte de contrefaçon ? Telle est l’intéressante question à laquelle vient de répondre de la Cour de cassation par deux arrêts du 13 octobre 2021 (premier arrêt ; second arrêt).
Il est vrai qu’en la matière, la jurisprudence était incertaine en raison de la dualité des juridictions. En effet, les juges de première instance ou d’appel s’opposaient à la vision de la Cour de cassation selon laquelle une demande d’enregistrement pouvait constituer un acte de contrefaçon (V. par ex. : Com. 10 juill. 2007, n° 05-18.571). La difficulté est que la Cour de justice de l’Union européenne a, en 2016, pris position sur cette question (CJUE 3 mars 2016, aff. C‑179/15, Daimler).
Faisant une application éclairée de la jurisprudence européenne, la Cour de cassation vient d’affirmer que « la demande d'enregistrement d'un signe en tant que marque, même lorsqu'elle est accueillie, ne caractérise pas un usage pour des produits ou des services, au sens de la jurisprudence de la CJUE, en l'absence de tout début de commercialisation de produits ou services sous le signe. De même, en pareil cas, aucun risque de confusion dans l'esprit du public et, par conséquent, aucune atteinte à la fonction essentielle d'indication d'origine de la marque, ne sont susceptibles de se produire ».
En somme, la Cour de cassation met en avant quatre critères cumulatifs pour définir un acte de contrefaçon :
En estimant que la demande d’enregistrement n’était un simple acte préparatoire, la Cour de cassation en a déduit, dans les deux affaires, que cette demande n’était pas un usage à titre de marque et ne pouvait être contrefaisant.
Dès lors, en brisant les divergences jurisprudentielles, cet arrêt induit une avancée non négligeable pour les titulaires de signes distinctifs bien que celui-ci puisse interroger car la demande d’enregistrement n’est-elle pas le premier usage à titre de marque ? En répondant par la négative, la Cour de cassation irrigue sa jurisprudence de la pensée européenne selon laquelle le droit des marques doit être appréhendé dans une approche fonctionnelle.
En pratique, ce revirement ne dispense pas de faire des vérifications avant tout projet de dépôt. Si le simple dépôt d’une marque n’est plus susceptible de caractériser une contrefaçon, en l’absence d’usage, il s’agit souvent d’une première étape vers cet usage, qu’il convient de sécuriser en amont. L’avenir de votre projet de marque en dépend !
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