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26.07.2024 14:58 Age: 120 days
Category: Droit de la Propriété Intellectuelle, Les essentiels, Veille Juridique

Jeux Olympiques 2024 : la protection spéciale des « propriétés olympiques »

Attention à votre communication autour des JO !


A quelques jours de la cérémonie d’ouverture des Jeux Olympiques, manifestation sportive la plus célèbre et regardée au monde, les enjeux commerciaux et économiques sont extrêmement forts, particulièrement par l’exploitation des marques et symboles associés à cet évènement sportif.

 

Les évènements sportifs ne sont plus seulement une forme de divertissement, l’exploitation commerciale autour de ces derniers soulève la question de la protection des droits liés à une telle occasion.

 

 Les JO représentent un enjeu de taille aussi bien pour les propriétés olympiques que pour les marques partenaires. En effet, cette édition 2024 est une opportunité pour la France, ainsi que pour les entreprises nationales qui espèrent bénéficier des retombées économiques et de la visibilité internationale offertes par cet évènement.

 

L’organisation de ces jeux repose sur le financement d’entreprises privées qui, en contrepartie, sont contractuellement autorisées à utiliser les propriétés olympiques dans le cadre de leurs activités. Pour garantir l’exclusivité accordée aux partenaires officiels, le Comité International Olympique (CIO) et le Comité National Olympique et Sportif Français (CNOSF) doivent veiller à protéger les propriétés olympiques contre les utilisations non autorisées.

 

 

La définition des propriétés olympiques

 

La Charte Olympique¹ texte fédérateur, codifie les principes fondamentaux de l’olympisme et donne la définition des propriétés olympiques, en son article 7 : « le symbole, le drapeau, la devise, l’hymne, les identifications (y compris, mais sans s’y restreindre, « Jeux Olympiques » et « Jeux de l’Olympiade »), les désignations, les emblèmes, la flamme et les flambeaux (ou les torches) olympiques ».

 

 

Les différentes protections des propriétés olympiques

 

  • Une protection par le droit des marques et le droit des dessins et modèles

 

Cette disposition spécifique de la Charte Olympique ne peut cependant pas être invoquée devant l’INPI, les dispositions du Code de la propriété intellectuelle² restant le seul fondement juridique possible.

 

Viennent alors s’ajouter les divers droits de propriété intellectuelle détenus par le CIO et le CNOSF notamment sur le territoire français, de l’Union européenne ou même au niveau international.

 

Il en va ainsi des marques portant sur les anneaux olympiques ou les agitos (symbole paralympique), ou encore sur les termes « JO » ou « Jeux olympiques », couvrant une large gamme de produits et services et de territoires.

 

Pour ses besoins spécifiques, le COJO Paris 2024 détient des marques et modèles français relatifs à certaines propriétés olympiques et paralympiques, mais uniquement pour les JO dont il est responsable. Ces droits lui sont essentiels pour accomplir ses missions. Il est notamment titulaire des marques portant sur les signes : Paris 2024, sur les emblèmes, sur le slogan « Ouvrons grand les Jeux », ainsi que sur le modèle de la torche et des mascottes.

De plus, des droits d’auteur peuvent également protéger les affiches, logos, mascottes ou encore les musiques.

Enfin, les organisations détiennent des droits sur les noms de domaine des sites internet exploités pour les jeux olympiques.

 

  • Une protection en tant que marque d’usage notoire

 

Outre une protection classique par le droit des marques ou le droit des dessins et modèles, certaines des Propriétés Olympiques se sont vues reconnaître une protection élargie, par le statut de marques notoires par les tribunaux français sur le fondement de l’article L. 713-5 du Code de la propriété intellectuelle, lequel disposait, à l’époque des faits, que « la reproduction ou l’imitation d’une marque notoirement connue au sens de l’article 6 bis de la Convention d’Union de Paris pour des produits ou services non similaires à ceux désignés dans l’enregistrement engage la responsabilité civile de son auteur si elle est de nature à porter préjudice au propriétaire de la marque ou si cette reproduction ou imitation constitue une exploitation injustifiée de cette dernière »³

 

Ont donc été notamment reconnus comme marques notoires, le sigle « JO », les termes « Jeux Olympiques », l’adjectif « Olympique » ou encore le logo des anneaux olympiques (les 5 cinq anneaux entrelacés).

 

 

  • Une protection par le Code du sport

Les propriétés olympiques et paralympiques sont définies et protégées par les dispositions spéciales du Code du Sport. Ces dispositions ont considérablement évolué depuis leur introduction avec la loi du 16 juillet 1984 relative à l’organisation et à la promotion des activités physiques et sportives⁴, et leurs révisions importantes, qui ont largement étendu leur protection, remontent à 2018 et 2022.

L’article L.141-5 du Code du sport⁵ dispose que :

« I.- Le Comité national olympique et sportif français est propriétaire des emblèmes olympiques nationaux.

Il est également dépositaire :

1° Des emblèmes, du drapeau, de la devise et du symbole olympiques ;
2° De l’hymne olympique ;
3° Du logo, de la mascotte, du slogan et des affiches des jeux Olympiques ;
4° Du millésime des éditions des jeux Olympiques « ville + année », de manière conjointe avec le Comité paralympique et sportif français ;
5° Des termes « jeux Olympiques », « olympisme » et « olympiade » et du sigle « JO » ;
6° Des termes « olympique », « olympien » et « olympienne », sauf dans le langage commun pour un usage normal excluant toute utilisation de l’un d’entre eux à titre promotionnel ou commercial ou tout risque d’entraîner une confusion dans l’esprit du public avec le mouvement olympique.

II.- Le fait de déposer à titre de marque, de reproduire, d’imiter, d’apposer, de supprimer ou de modifier les éléments et les termes mentionnés au I, sans l’autorisation du Comité national olympique et sportif français, est puni des peines prévues aux articles L716-9 à L716-13 du Code de la propriété intellectuelle ».

L’article L.141-7 du Code du sport⁶ présente quant à lui les emblèmes paralympiques nationaux dont le Comité paralympique et sportif français est propriétaire.

Ainsi, tout tiers utilisant les termes « Olympiques », « Olympiades », ainsi que les symboles, emblèmes ou logos des Jeux Olympiques et Paralympique sans autorisation préalable, s'expose à des poursuites et des sanctions conformément aux lois sur la contrefaçon et la concurrence déloyale.

La protection accordée par ces dispositions est spéciale, inédite. En effet, elle confère à des signes distinctifs, qu'ils soient verbaux ou figuratifs, une protection absolue et opposable à tous, indépendamment de tout titre de propriété industrielle. Il n'y a pas d'analyse du risque de confusion à effectuer, ni de démonstration d'une exploitation injustifiée à fournir. De plus, elles ne sont pas concernées par les actions en déchéance ou de forclusion par tolérance.

 

Une défense active des Propriétés Olympiques

Grâce à tous ces atouts légaux, le CIO et le CNOSF sont pleinement engagés dans la défense des propriétés olympiques.

 

Bien que plusieurs protections des propriétés olympiques existent, l’opposition à une nouvelle demande d’enregistrement peut se faire uniquement sur le fondement du droit des marques.

 

Les décisions rendues, notamment par l’INPI et l’EUIPO sont particulièrement nombreuses, et ne cessent d’augmenter.

 

L’Institut National de la Propriété Industrielle a pour habitude de rejeter les demandes d’enregistrement de marque dès lors qu’est repris la séquence d’attaque « Olymp ». Les exemples de demandes d’enregistrement de marques suivantes ont été récemment rejetées par l’INPI, en se fondant sur l’imitation ou la traduction d’une propriété olympique. L’INPI reconnaît donc une protection assez étendue de la marque « Olympic » / « Olympique » :

 

  • Demande d’enregistrement « Olympic 2024 », numéro 4639222 ;
  • Demande d’enregistrement « Les Vieux Olympiques », numéro 4582887 ;
  • Demande d’enregistrement « Olympico », numéro 4430471 ;
  • Demande d’enregistrement « Paris Olympic 2024 », numéro 4639024.

 

 

Cette protection n’est toutefois pas toujours aussi évidente pour les autres propriétés olympiques, notamment pour les anneaux olympiques ou pour le terme « Paris 2024 ».

 

L’EUIPO a pu retenir l’absence de risque de confusion entre le signe des anneaux olympiques et la demande d’enregistrement de marque contestée (5 cœurs entrelacés et positionnés de la même manière que les anneaux olympiques, avec la phrase « Link heats by love ») au motif que le positionnement de formes différentes ne peut conduire à une similitude des signes en cause⁷.

 

L’INPI, quant à elle, a refusé la demande d’enregistrement de la marque figurative Olympack en reconnaissant un risque de confusion⁸ avec les anneaux olympiques.

 

Concernant le signe « Paris 2024 », l’INPI a récemment conclu à l'absence de similarité entre la marque antérieure Paris 2024 et la demande contestée Horizon 2024, malgré la présence commune de l’année 2024⁹. Il a souligné les différences conceptuelles entre les deux signes, en notant que la marque antérieure fait référence à un événement se déroulant à Paris en 2024, à savoir les Jeux Olympiques, tandis que cette évocation est absente de la demande contestée.

 

Dans une autre décision¹⁰, l’INPI a reconnu la similarité entre les signes Paris 2024 et Seine-Saint-Denis 2024, arguant qu'ils font tous deux référence aux Jeux à venir.

 

 

La communication autour des JO :

 

Derrière l’ampleur de cet évènement international, se cachent de gros intérêts financiers.

Les partenaires (Orange, LVMH, EDF…¹¹) apportent un financement d’un milliard et demi d’euros, en contrepartie duquel, elles bénéficieront d’une visibilité lors de l’évènement, pourront faire usage des signes distinctifs olympiques et auront même l’exclusivité d’associer leur marque aux propriétés olympiques.

 

Il est donc primordial pour le CIO et le CNOSF de garantir la protection de ces signes afin d’éviter une dilution de la valeur des marques olympiques.

 

Le reste des acteurs économiques, eux, se trouve grandement limité notamment en matière de communication. Il est compliqué, pour ne pas dire impossible, de profiter de la notoriété des JO, sans être partenaire officiel.

 

Certains opérateurs économiques n’ayant pas les moyens mais souhaitant tout de même profiter de la visibilité que peut apporter un évènement pareil, font appel à une technique commerciale particulière : l’ambush marketing, aussi appelé marketing d’embuscade.

 

L’ambush marketing est une pratique publicitaire visant à profiter d’un évènement sportif afin d’y associer son image et de se rendre visible au public, et ce en tirant indûment profit des investisseurs et efforts déployés par les titulaires de droits.

 

L’ambush marketing n’est pas interdit par principe, cependant il constitue une pratique condamnable lorsqu’il s’assimile à des actes d’agissements parasitaires. Un agissement parasitaire est un acte d’un commerçant ou d’un industriel qui, même sans avoir l’intention de nuire, tire ou s’efforce de tirer profit d’un renom acquis légitimement par un tiers.

 

Les signes associés aux JO sont également protégés contre tout comportement parasitaire d’une entreprise qui associerait son image à cet évènement sans rémunérer les organisateurs en tant que sponsor ou partenaire pour profiter de sa notoriété et augmenter sa visibilité, profitant ainsi des retombées médiatiques qui y sont associés.

 

La communication promotionnelle utilisant des références à cet évènement peut donc être poursuivie, et ce même si les termes « jeux olympiques » ou les propriétés olympiques ne sont pas utilisés.

Quelques exemples de condamnations :

  • L’usage par un site de paris en ligne du slogan « Partagez l’or de vos champions grâce à l’offre diversifiée des paris proposée à ce rendez-vous mondial »¹²;
  • L’usage de bannières promotionnelles reprenant les couleurs du symbole olympique, la représentation d’une flamme olympique associée au terme « OR », au sein de l’expression « DES DEALS EN OR », et relayées sur les réseaux sociaux¹³;
  • L’usage pour un jeu du slogan « A l’occasion de VANCOUVER 2010 jouez et gagnez un masque Nova par jour ! »¹⁴
  • L’usage de la combinaison des couleurs des anneaux olympiques sur la semelle d’une paire de baskets associée à la dénomination « Joakim Noah 3.0 Le Rêve Olympique »¹⁵
  • L’usage de la dénomination « Olymprix » pour faire référence à une campagne de prix réduits.¹⁶

Concrètement, pour sa communication, on évite donc :

 

  • De reproduire ou imiter un quelconque signe distinctif lié aux propriétés olympiques ;
  • D’utiliser, de retransmettre des photographies de l’évènement ;
  • De laisser planer une ambiguïté sur son statut de partenaire ou de sponsor des jeux ;
  • De promouvoir son activité, directement ou non, en faisant référence aux JO.

 

¹ Charte Olympique, disponible ici : https://stillmed.olympics.com/media/Document%20Library/OlympicOrg/General/FR-Olympic-Charter.pdf

² Article L.713-5 du Code de la propriété intellectuelle : https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000039381593

³ Ancien article L.713-5 du Code de la propriété intellectuelle : https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000019910676/2008-12-13/#:~:text=La%20reproduction%20ou%20l%27imitation,reproduction%20ou%20imitation%20constitue%20une

⁴ Loi n°84-610 du 16 juillet 1984 relative à l’organisation et à la promotion des activités physiques et sportives : https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000000693187

⁵ Article L.141-5 du Code du sport : https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000045293985

⁶Article L.141-7 du Code du sport : https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000045293978

⁷ EUIPO, décision d'opposition n° B3157322 du 14 janvier 2023

⁸ INPI, décision d'opposition n° OPP 06-1302 du 25 octobre 2006

⁹ INPI, décision d’opposition n° OP21-3366 du 5 juillet 2022

¹⁰ INPI, décision d’opposition n° OPP18-2335 du 27 novembre 2018

¹¹ Partenaires et sponsors des JO : https://olympics.com/fr/paris-2024/comite/acteurs-des-jeux/partenaires#partenaires-mondiaux

¹² CA Paris, 21 janvier 2011, n°09-20261

¹³ CA Versailles, 10 mars 2016, n°14/00536

¹⁴ TGI Paris, 3e ch., 19 avr. 2019, n° 18/00264

¹⁵ TGI Paris, 3e chambre 3e section, 13 juin 2014, n° 12/09737

¹⁶ CA Orléans, ch. Solennelle, 2 juillet 2004